Par : Mustapha Hammouche
Le rapport pour 2009 de la CNCPPDH, organisme public de défense des droits de l’Homme, recense un certain nombre de domaines où il enregistre de graves violations de ces droits : la garde à vue et la détention préventive, l’intégrité physique des femmes, les centres d’enfants handicapés, la corruption et le traitement des harragas, notamment.
Si le cas collectif des “repentis” est suivi assidûment, avec force chiffres et statistiques, tout en bénéficiant, individuellement d’une assistance personnalisée quand ils en expriment l’envie, on observe que ce n’est pas le cas pour les autres catégories lésées. À peine quelques littéraires recommandations dans le rapport en question, tandis que sur le terrain, les abus prolifèrent.
S’émouvoir des seuls abus et violations subis par les catégories fragilisées par le statut que leur impose la société, comme les femmes, ou par leur situation administrative, comme les prévenus ou les enfants de centres sociaux, c’est présumer que le commun des Algériens serait logé à meilleure enseigne au regard des droits de l’Homme.
Or, il suffit de regarder autour de soi pour compter les épreuves auxquelles ceux-ci sont soumis dans leur vie quotidienne.
L’exemple du transport, à lui seul, peut résumer le peu de cas dont il est fait du quidam quand il doit, chaque jour, galérer pour se rendre à son travail ou en revenir. Au retard et à l’inconfort, s’ajoutent les scènes d’humiliation quotidienne de gens qui se bousculent pour prendre des bus-poubelles ou des taxis qui ne daignent même pas s’arrêter et, ralentissant à peine, les obligent à crier leur destination sans même s’arrêter. Le marché constitue, lui aussi, une expérience renouvelée de brimades de la part de commerçants qui traitent le client en souffre-douleur : malgré les prix indéfiniment en hausse, il se voit ouvertement imposer la (mauvaise) qualité de ce qu’il va consommer.
Mais les pires exactions sont le fait de l’administration. La bureaucratie qui fait de la moindre démarche un parcours du combattant s’avère être, au fil des expériences, une difficulté irréductible. C’est une carence systémique qui s’aggrave à chaque fois que l’État prétend vouloir nous en soulager.
Le processus en cours de renouvellement de la carte d’identité et du passeport est en train de jeter de très nombreux Algériens dans un cycle proprement kafkaïen. Rechercher l’état civil d’aïeux inscrits du temps des premières transcriptions coloniales, dans des communes dont ils sont aujourd’hui très éloignés, constitue un défi qu’ils sont nombreux à devoir relever. L’arabisation débridée des registres, avec les difficultés, et les libertés de transcription du français à l’arabe, a produit des millions d’incompatibilité patronymique qui demandent autant de démarches juridiques, parfois croisées, de la part de demandeurs de pièces d’état civil. Demander indéfiniment à des citoyens de prouver leur nationalité, comme si elle ne pouvait être définitivement inscrite, n’est-ce pas violer le premier droit de l’Homme, celui d’être reconnu, une fois pour toutes, dans son identité et sa nationalité ?
Il y a un côté cynique dans le souci des droits de l’Homme catégoriels quand, ainsi le minimum de considération citoyenne n’est pas acquis aux individus ?