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Algérie. Le peuple doit prendre son destin en main

Quelques jours après la promulgation de la loi de finances 2011, des émeutes à caractère social ont éclaté à travers l’ensemble du territoire national. Elles ressemblent à s’y méprendre à celles d’octobre 1988 par leurs causes et leur composante sociologique.

Les mobiles de ces manifestations de ras-le-bol relèvent du marasme social et économique, d’absence de perspectives, résumés en une expression : la cherté de la vie. Les produits de base tels que le sucre, l’huile et la semoule sont devenus tout à la fois chers, objets de spéculation et, pour le lait en pochettes – substance du pauvre  – rare. Pour acquérir ce fameux breuvage, il faut « faire la chaîne », de triste souvenir. Ce geste met en évidence la marginalisation d’une catégorie importante de la population et fait naître en soi de l’humiliation. Le légitime sentiment d’injustice est issu du dangereux rétrécissement du pouvoir d’achat et du décalage entre cette lente descente aux enfers pour les plus faibles et l’existence d’une énorme manne financière, mal gérée et/ou en partie détournée. Même la classe moyenne n’échappe pas à la crise due à la cherté de la vie. À l’évidence, le taux d’inflation officiel est truqué.

L’impunité judiciaire et l’immunité politique de la classe dirigeante, combinées à la corruption de celle-ci, exacerbent le sentiment de révolte d’une jeunesse qui veut bénéficier de la richesse nationale et vivre dans la liberté et la dignité. Tout esprit doué de raison comprend cette logique, mais l’échec du pouvoir provient certainement d’une mauvaise gouvernance et du manque d’ambition pour le pays. Octobre 1988 et ses conséquences n’ont pas guéri le système en place de son péché mignon : l’exercice du pouvoir pour le pouvoir. Le mal est ancien et profond.

En l’absence d’intermédiation crédible, parce que la société civile est muselée, les syndicats autonomes surveillés, les médias lourds aux ordres et le Parlement politiquement soumis alors qu’il est constitutionnellement déjà faible, les contestations, récurrentes depuis un certain nombre d’années, s’expriment violemment et s’en prennent souvent au patrimoine public, voire aux biens privés. Le pouvoir craint ce genre de révolte par son possible effet de contamination et éventuellement sa récupération politique, même si, au final, il arrive à maîtriser la situation par un dosage de répression et de pourrissement. La tâche est aisée quand il n’y a pas d’organisation qui structure la contestation, lui fixe des buts et la coordonne sur le terrain. Une fois l’événement maîtrisé, les mêmes méthodes seront reconduites et la prochaine tempête s’annoncera. Un jour, toutes les digues céderont dans un fracas assourdissant.

Le verrouillage de tous les canaux d’expression et l’interdiction de manifester dans les rues d’Alger, capitale et centre névralgique du pays, aboutissent logiquement à ce genre d’expression violente et désorganisée.

Face à cette situation, où les premiers morts sont annoncés, le pouvoir demeure étrangement muet. Devant l’ampleur de l’événement, ce silence donne le vertige. Est-ce un signe de contradictions non réglées ? On ne sait si ce mutisme est dû à de la désorientation ou à du mépris. Ce qui est sûr, c’est que le mépris n’a jamais occasionné que davantage de destructions et de victimes.

Avant tout, il faut arrêter la malédiction de l’écoulement du sang, épreuve fatale pour les hommes et pour tout projet. Adopter des mesures sociales et économiques pour enrayer la cherté de la vie est également une nécessité. Mais si elles ne font pas l’objet d’un accompagnement politique, elles resteront vaines car les mêmes causes produiront les mêmes effets.

Dans cette perspective, la levée de l’état d’urgence est un premier palier pour établir le dialogue entre les divers acteurs de la société et instaurer les mécanismes de concertation et de régulation de la vie publique. Le déverrouillage politique, médiatique et social est une autre condition pour réamorcer le processus démocratique. Les luttes populaires et pacifiques centrées sur les droits – politiques et sociaux – et les libertés – individuelles et collectives – sont les garants d’une démocratie effective, meilleure protection des plus faibles. La plus grande subversion est de se saisir des instruments de lutte liés à cette philosophie et à cette stratégie pour permettre au peuple algérien de prendre son destin en main. Seul un nouveau processus de légitimation fondé sur la volonté populaire peut asseoir un pouvoir crédible et audible. La diversification de l’économie, la lutte contre la corruption et la distribution équitable des richesses ne peuvent être que l’œuvre d’un pouvoir à la légitimité incontestable.

L’Algérie ne manque pas d’atouts pour aller dans ce sens. Il faut faire preuve d’imagination, d’audace et de responsabilité.



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