Par : Mustapha Hammouche
L’APS rapporte que la direction de l’UGTA a tenu, hier, avec les responsables syndicaux de la wilaya d’Alger, une réunion s’inscrivant dans le cadre du “processus de préservation de l’outil de production et de travail”.
Selon les propos d’un syndicaliste recueillis par l’agence officielle, l’UGTA a demandé aux unions locales et aux responsables syndicaux des principaux pôles d’activité de la wilaya d’Alger, d’installer des comités de “vigilance” pour “prévenir contre tout dérapage pouvant toucher l’outil de travail des entreprises lors de manifestations”.
Le syndicat “officiel” aurait donc perçu une menace qui pèse sur “l’outil de production” découlant de manifestations annoncées.
Déjà que les moyens policiers disposés en divers endroits dans la capitale et ses environs montrent que le pouvoir a du mal à dissimuler son appréhension, voilà qu’il veut mobiliser les “organisations de masses” pour sauvegarder les infrastructures et les installations industrielles autour d’Alger. On voit mal en quoi on peut, comme le déclare le secrétaire général de l’Union de wilaya, “sensibiliser les travailleurs pour l’instauration et le maintien d’un climat sain et serein dans les milieux du travail” alors même que la mesure, significative d’une inquiétude, vient renforcer la sensation de veille de troubles. Cette sensation est en effet induite par d’autres signes, tels que la concentration de moyens de maintien de l’ordre dans la ville.
L’auteur de l’initiative de “comités de vigilance” suggère non que des troubles préjudiciables à “l’outil de production” sont à craindre, mais dispose déjà les protagonistes, chacun dans son rôle : casseurs contre comités de vigilance. Or, historiquement, il n’a pas été observé de casse dans les “outils de production” : les émeutiers de quartiers s’en prennent généralement aux biens et aux édifices urbains et les mouvements ouvriers n’ont pas l’habitude de se retourner contre leurs usines et leurs équipements.
Outre qu’elle renseigne sur un déficit de sérénité au niveau de la décision, la mesure prise par l’UGTA distribue d’avance des rôles dans une situation hardiment présagée. Jusqu’à plus ample information, il y a un mystère, sinon une arrière-pensée, dans cette idée de mettre en place par anticipation ces “comités de vigilance”. Sans compter qu’il faut plus que ce genre de mesures pour propager le sentiment d’appréhension déjà largement diffusé par les débats sur “l’effet domino” de la Révolution tunisienne dans le Maghreb et ailleurs, dans le monde arabe, et par l’observation d’une multiplication de cas d’immolation par le feu.
Ce n’est pas habituel que le pouvoir en Algérie, toujours cramponné au discours musclé d’un état fort, laisse lui échapper des signes de panique, au risque de renforcer ce qui n’est, peut-être, que rumeurs et conjectures.
à moins qu’il n’ait perçu à ce point la prolifération de la volonté de changement. Dans ce cas, pourquoi n’anticiperait-il pas cette volonté de changement plutôt que l’expression éventuelle de cette volonté de changement ?