Comme une traînée de feu, les immolations se poursuivent à un rythme stupéfiant, comme si les Algériens découvraient l’efficacité de cette spectaculaire forme de contestation et l’utilisaient naturellement, comme on utilise une barque pour partir. A tel point que les autorités ont ouvert des enquêtes et que même le président de la République aurait demandé un rapport détaillé sur ce phénomène. Hier, c’est une femme, la première, qui a tenté de s’immoler par le feu pour un logement, à Sidi Bel Abbès. Comment peut-on en arriver là ? En Tunisie, il y a eu un cas, en Mauritanie, un cas, deux cas en Egypte, et en Algérie, on en est déjà à 8 cas, individuels, 28 si l’on ajoute la tentative collective de ces harraga interceptés par les gardes-côtes à Annaba, qui ont préféré s’asperger de mazout et s’allumer plutôt que d’être attrapés.
Phénomène de mode médiatique ou parce que l’essence n’est pas chère, comme l’a cruellement souligné un farouche opposant aux sacrifices sans lendemain, il faut s’interroger sur cette extraordinaire vitesse de propagation de la méthode, comme si tout le monde s’était donné le mot. Si dans la majeure partie des cas, les tentatives ne se sont pas soldées par la mort, il faudra bien se pencher sur cet étrange peuple, ces Algériens et Algériennes, avec leur rapport avec la mort si particulier et ce sens du panache si déroutant, qui ont font toujours plus que les autres ; pour le nombre de morts dans une guerre d’indépendance, ils sont premiers. Pour le nombre de morts dus au terrorisme, ils sont premiers. Pour le nombre d’émeutes, ils sont premiers et pour le nombre d’immolations par le feu, ils sont d’ores et déjà premiers, avec une bonne longueur d’avance sur tous les autres. On imagine déjà la réponse du gouvernement. Après l’obligation d’avoir un extincteur dans sa voiture, il va obliger tous les piétons à en porter un sur le dos.