La polémique franco-française sur les bévues de l’Élysée dans la gestion de la chute du régime de Zine El Abidine Ben Ali est loin d’être finie avec les révélations de l’ancien ambassadeur de France à Tunis, qui affirme que la présidence française était au courant de tout ce qui se passait dans ce pays, notamment les dérives du président tunisien et de son clan.
Croyant  avoir clos le dossier Tunisie, par son aveu laissant entendre que la  France avait sous-estimé les conséquences des évènements ayant conduit à  la fuite de Ben Ali, le patron de l’Élysée se voit rabroué par  l’ex-ambassadeur de France en Tunisie, Yves Aubin de la Messuzière  (2002-2005).  Dans une tribune publiée, mercredi, dans le quotidien  Libération, ce dernier affirme que la présidence française était bel et  bien “informée des dérives du système Ben Ali” et que l'expertise des  diplomates français a été “négligée”. 
Quarante-huit heures après que  Nicolas Sarkozy eut fait son mea-culpa après avoir été très critiqué  pour avoir lâché l'ex-président tunisien, Zine El abidine Ben Ali, en  déclarant que la France avait “sous-estimé les aspirations du peuple  tunisien à la liberté”, le diplomate, qui était en poste dans la  capitale tunisienne, sort de sa réserve. Yves Aubin de la Messuzière  accuse carrément l’Élysée de négligence en indiquant que “les autorités  politiques françaises étaient (...) parfaitement informées des dérives  du système Ben Ali, qui rejetait toute référence à la question des  droits de l'Homme”. N’y allant pas de main morte, il soulignera que  “l’expertise du Quai d'Orsay, marginalisé depuis 2007, était négligée”.  Sans ambages, il enfoncera les responsables français, notamment Nicolas  Sarkozy, qui tentent de se trouver des subterfuges pour échapper aux  critiques, en ajoutant qu’“au cours de la décennie passée, les analyses  de notre ambassade à Tunis et celles du Quai d'Orsay soulignaient  régulièrement la dégradation des libertés publiques et la répression qui  touchait les associations et les organisations non gouvernementales”.  Yves Aubin de la Messuzière ajoute que “les premières déclarations  françaises, au lendemain de la chute de Ben Ali, n'ont pas été à la  hauteur”. 
Pour lui, “les rapports diplomatiques mettaient aussi  l'accent sur l'exaspération et le mal-être de la jeunesse tunisienne”,  ainsi que sur “la prévarication et le développement d'un système de  prédation du secteur privé de l'économie par le clan Trabelsi”. 
L’ancien  directeur Afrique du Nord et Moyen-Orient au ministère des Affaires  étrangères trouve que “l’analyse diplomatique privilégiait le risque de  mouvements sociaux à la menace islamiste”. Dans sa contribution au  journal Libération, il rappellera les propos de Nicolas Sarkozy au cours  de sa visite en 2008 à Tunis, où il s'était félicité “des progrès de  l'espace des libertés publiques”, qui avaient suscité l'incompréhension  et l'indignation. 
Il conclura son écrit en estimant qu’un “effort  important est nécessaire pour rétablir la confiance” avec la Tunisie.  Dans l’espoir d’atténuer la pression, Nicolas Sarkozy a décidé, hier, de  relever de ses fonctions l’ambassadeur de France en Tunisie, Pierre  Ménat, qui fait les frais des erreurs d'appréciation de la diplomatie  française lors de la Révolution tunisienne. Pierre Ménat, 60 ans, sera  remplacé par Boris Boillon, un jeune diplomate de 41 ans, ancien  conseiller du président Nicolas Sarkozy et ambassadeur à Bagdad depuis  mai 2009. Sa nomination a été avalisée, mercredi, lors de la réunion  hebdomadaire du Conseil des ministres, a-t-on appris de source proche du  dossier, confirmant une information du site Lemonde.fr. 
Précédemment  directeur de la Coopération européenne au ministère français des  Affaires étrangères, Pierre Ménat n'était en Tunisie que depuis 2009.