)
Lorsqu’on ferme la porte aux manifestations pacifiques, on ouvre la voie aux casseurs et autres marginaux. Le pouvoir peut sévir par l’interdiction. Il peut museler par les oukases. Il peut réprimer, mais il ne pourra rien contre un peuple qui gronde.
La  marche prévue pour le 12 février continue d’alimenter la chronique  quotidienne de la presse. On croyait que le dernier Conseil des  ministres allait mettre un terme à cette récurrente polémique au sujet  des marches. Il n’en fut rien. Et pour cause : l’effet d’annonce, au  sujet de la prochaine levée de l’état d’urgence, n’aura été qu’un feu de  paille, une tentative de plus pour calmer le jeu. Lorsque le président  Bouteflika affirme que les marches sont autorisées partout, sauf à  Alger, le wali d’Oran lui répond par une interdiction de la marche  prévue dans cette ville. Ensuite, pourquoi maintenir l’interdiction de  marcher à Alger ? Est-ce que les dérapages constatés lors d’une marche  en 2001 peuvent, à eux seuls, justifier que l’on interdise encore toutes  les marches, dix ans plus tard ?
La cacophonie au sommet renseigne  sur la gêne qui anime les décideurs quant à l’abandon d’une mesure qui  avait été détournée de son objet principal : la lutte antiterroriste.
Le  fait d’interdire systématiquement les marches pacifiques, des partis ou  des syndicats qui n’applaudissent pas à tue-tête tout ce qui émane du  pouvoir, pourrait profiter aux extrémistes de tous bords. Il peut servir  le pouvoir, un temps, certes. Mais, surtout, il accentue le sentiment  de frustration chez la population.
Lorsqu’on ferme la porte aux  manifestations pacifiques, on ouvre la voie aux casseurs et autres  marginaux. Le pouvoir peut sévir par l’interdiction. Il peut museler par  les oukases. Il peut réprimer, mais il ne pourra rien contre un peuple  qui gronde. 
Par quel miracle le pouvoir pourrait-il justifier le  fait que des jours durant, Alger et toute l’Algérie avaient vibré,  marché, chanté et dansé sur les airs de football, l’an dernier, sans  qu’aucun incident ne soit enregistré ? 
Le 12 février, ce sont des  Algériens qui veulent marcher dans leur pays, et dans leur capitale,  pour exprimer leurs craintes et leurs revendications. Où est le mal ?  Qu’il y ait mille ou cent mille marcheurs, que les gens adhèrent ou ne  partagent pas leurs opinions, ils ont, après tout, le droit de  s’exprimer.
Les Algériens ne sont pas différents des autres peuples.  Ils peuvent marcher sans casser, sans brûler. Ils ont des idées et des  revendications à exprimer. Cela s’appelle de la démocratie.