AFP - Au moins 173 personnes ont été tuées en Libye depuis le début de la contestation mardi selon Human Rights Watch (HRW), alors que le mouvement de révolte contre le colonel Mouammar Kadhafi, au pouvoir depuis bientôt 42 ans, commençait dimanche à toucher Tripoli.
Bastion de l'opposition, Benghazi est devenu le théâtre de "massacres", a affirmé Fathi Terbeel, un des organisateurs des manifestations, sur la chaîne Al-Jazira. "Cela ressemble à une zone de guerre ouverte entre les manifestants et les forces de sécurité".
Dans la capitale libyenne, la tension était perceptible dimanche. Des dizaines d'avocats ont participé à un sit-in de protestation contre la répression devant le tribunal, selon des témoins et des sites d'opposition. Ils ont été cernés par des policiers alors que journalistes et passants étaient tenus à l'écart.
De nombreux habitants faisaient des courses pour constituer des réserves alimentaires tandis que des commerçants vidaient leurs boutiques, de crainte de manifestations à venir.
Des membres des comités révolutionnaires en civil patrouillaient les rues de Tripoli, très peu animées, à bord de voitures parfois sans plaques d'immatriculation, selon d'autres témoins.
Des affrontements ont eu lieu par ailleurs dimanche à Zaouia, à 60 km à l'ouest de Tripoli, de mêmes sources.
Selon le directeur du bureau de HRW à Londres, Tom Porteous, "au moins 173" personnes ont été tuées depuis mardi. Ce décompte est basé sur des sources hospitalières dans l'est de la Libye, dans quatre villes dont Benghazi, a-t-il ajouté, précisant qu'il s'agissait d'un chiffre incomplet en raison des difficultés de communications.
"Nous avons de fortes inquiétudes (...) qu'une catastrophe soit en cours en matière de droits de l'Homme", a-t-il affirmé.
Selon un décompte de l'AFP établi à partir de différentes sources libyennes, le bilan de la contestation contre le régime du colonel Kadhafi s'élevait à au moins 77 morts, pour la plupart à Benghazi.
Dans cette ville, des milliers de personnes manifestaient dimanche devant un tribunal, a indiqué à l'AFP Mohammed Mughrabi, un avocat.
Selon des témoins, de nombreux manifestants avaient été tués samedi lors d'une tentative d'assaut contre cette caserne.
"Nous demandons à la Croix Rouge d'envoyer des hôpitaux de campagne. Nous ne pouvons plus faire face", a déclaré M. Mughrabi.
"Il semble que le leader libyen ait ordonné à ses forces de sécurité de mettre fin à tout prix aux manifestations, et que les Libyens soient en train de payer ce prix de leur vie", a dénoncé Amnesty International.
La Ligue arabe a appelé dimanche dans un communiqué "à cesser immédiatement tous les actes de violence".
Plusieurs pays occidentaux se préparaient à évacuer leurs ressortissants, tandis que la Turquie a déjà rapatrié plus de 500 personnes depuis samedi, certaines disant avoir été la cible de violences à Benghazi.
Le colonel Kadhafi n'a toujours pas fait de déclaration officielle depuis le début du mouvement.
D'après des témoins, des "heurts violents" entre manifestants et forces de l'ordre ont fait "des morts et des blessés" samedi à Musratha, troisième ville du pays. Selon des témoignages concordants, les forces de l'ordre étaient appuyées par des "mercenaires africains" qui "tir(aient) sur la foule sans distinction".
En outre, un haut responsable libyen a déclaré dimanche à l'AFP qu'un "groupe d'extrémistes islamistes" retenait en otage des membres des forces de l'ordre et des citoyens à Al-Baïda, dans l'est du pays. Le groupe menaçait d'exécuter ses otages si les forces de l'ordre ne levaient pas le siège autour de lui.
Parallèlement, les autorités ont annoncé avoir arrêté des dizaines de ressortissants arabes appartenant à un "réseau" ayant pour mission de déstabiliser le pays, selon Jana.
Des témoignages concordants faisaient en revanche état de prisonniers libérés par les autorités, en particulier à Tripoli et Zaouia.
Selon la présidence hongroise de l'UE, les autorités libyennes ont convoqué un représentant de l'UE à Tripoli pour menacer de cesser sa coopération dans la lutte contre l'immigration si l'Europe continue à "encourager" les manifestations sans précédent dans le pays.