Dans cette partie de bras de fer qui oppose le pouvoir algérien et la contestation politique regroupée autour de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD), et surtout à la lumière du dispositif répressif impressionnant déployé pour empêcher la marche de samedi dernier, beaucoup pensent, en dépit de la promesse des organisateurs de se donner rendez-vous sur les lieux samedi prochain, que l’on ne peut pas continuer ainsi. La préoccupation la plus largement partagée est que la mobilisation politique contre l’autoritarisme devrait passer à un palier supérieur. Certains suggèrent même la tenue d’une sorte de «congrès de l’opposition» pour sortir de ce confinement dans lequel des partis et des associations de la CNCD ont été poussés par un pouvoir autiste aux revendications d’ouverture démocratique et de changement.
Confinement qui fait craindre un «effilochement» de la mobilisation contestataire au fil des jours, comme on a pu le remarquer à la suite des deux marches du 12 et du 19 février. Les analystes et politologues laissent entendre que les ingrédients pour une «révolution» comme en Tunisie et en Egypte ne sont sans doute pas encore réunis en Algérie.
On pourrait faire remarquer, au regard de la faible mobilisation, que ce mouvement de contestation politique pacifique est parti de rien ou presque, si ce n’est la série d’émeutes qui ont jalonné le pays depuis de nombreuses années et dont les dernières se sont soldées par des décès et des immolations de citoyens pour attirer l’opinion publique nationale sur la dégradation de la situation économique et sociale dans laquelle se trouve la majeure partie de la population. Ce «vide politique» a été accentué par une décennie sanglante durant laquelle le terrorisme, par son entreprise de destruction, a privé le pays d’une bonne partie de ses élites, contraintes à la survie ou à l’exil. Si le pays n’a pas sombré totalement dans le chaos et l’anarchie, c’est en grande partie grâce à une mobilisation populaire et au rejet de l’intégrisme islamiste aussi bien dans les villes que les campagnes.
Mais force est de constater que le régime de Bouteflika a choisi, pour se maintenir, de s’appuyer sur une alliance islamo-conservatrice, rentière et prédatrice, plutôt que sur des forces démocratiques et des segments patriotiques du courant nationaliste ouvert sur le progrès social et le développement. Et pour preuve de cette «accointance kleptomane» qui a gangrené tout le système politique algérien, les scandales de corruption révélés par la presse indépendante ces dernières années n’ont épargné aucune sphère du pouvoir, jusqu’à l’entourage immédiat du président de la République. Dès lors, après avoir choisi ses alliances et trahi en quelque sorte le pacte antiterroriste, plus rien ne pouvait empêcher le régime actuel de réprimer les forces démocratiques, des pans entiers de la société civile et une bonne partie des élites (médecins, enseignants, etc.).
La dynamique de changement tant espéré se doit avant tout d’intégrer que face à un pouvoir composite islamo-conservateur, il est nécessaire de déployer des capacités unitaires en direction de tous les secteurs qui ont intérêt à mettre fin à ce statu quo dévastateur basé sur la rapine et la hogra.