Il y a trois sortes d’autocrates dans le monde arabe. La version Ben Ali et Moubarak, qui ont tous deux régulièrement essayé de négocier avec leur peuple jusqu’au bout, leur parlant plusieurs fois par l’intermédiaire de la télévision pour trouver un terrain d’entente, même miné. Il y a ensuite la version Gueddafi, qui parle à son peuple, sort dans les rues manifester et tire sur la foule des mécontents à balles réelles. Il y a enfin la version Bouteflika, qui ne sort pas, ignore, évite, méprise et ne parle pas à son peuple ni même à ses propres partisans, préférant envoyer policiers et baltaguias dialoguer avec tout le monde. La différence entre les trois est que les uns sont déjà partis et les autres dans une luxueuse salle d’attente équipée d’écrans de contrôle et de petites fentes pour tirer sur ceux qui s’approchent trop.
La ressemblance entre les trois est liée à leur pratique du pouvoir, exclusive, à leur mégalomanie d’homme providentiel indispensable et à leur destin de gouvernants qui se sont ou vont se retirer à plus ou moins court terme. Avec ce triste bilan de n’avoir pas été la hauteur de l’histoire, d’avoir livré leur pays à la corruption et tout autant enrichi les classes mafieuses que déprimé le reste de leur population.
En fin de compte, les sombres tiroirs de la morgue seront là pour finir de départager les tristes concurrents ; 200 morts en Tunisie, 300 en Egypte et si, en Libye, Gueddafi a déjà tué plus de 200 de ses concitoyens, en Algérie, il y aurait de l’éthique dans la répression, la police redoutant le premier mort comme la première goutte de sang d’une vendetta géante.
Hier, pourtant, comparaissait en appel un policier accusé d’avoir tué un jeune émeutier de 17 ans à Diar El Kef. Verdict premier : 6 mois de prison, dont 4 avec sursis. Ôter la vie à un jeune Algérien ne coûte donc que deux mois de prison. Ce qui s’apparente étrangement à un permis de tuer.