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Un printemps arabe



«Le printemps est venu: comment, nul ne l’a su.»
(Antonio Machado)

Avant il y avait quatre saisons bien distinctes. Puis il y eut une période de sécheresse et nous eûmes droit à deux saisons: l’une sèche et froide, l’autre très chaude et très sèche. Enfin, un jour, la pluie revint et avec elle cette saison bénie qu’on appelle le printemps et qui est accueillie comme il se doit par tous les êtres vivants. Ce n’est pas pour autant que tout rentra dans l’ordre. De temps en temps, une espèce de fantaisie prend les saisons qui se plaisent à fausser tous les pronostics. Cette année, par exemple, il paraît que le printemps a commencé très tôt, au mois de décembre, alors qu’il y avait une tempête de neige sur le nord-est des Etats-Unis, que des gens mourraient de froid à Varsovie: le jasmin avait commencé, paraît-il, à fleurir en Tunisie. Puis, ce coquin de printemps a montré le bout de son nez fleuri sur les rives du Nil. Il essaie bien de secouer l’armure froide qui l’enserre dans quelques pays arabes où il tarde à se montrer. Il paraît, d’après les horticulteurs européens qui se connaissent mieux en armes, en pétrole qu’en fleurs, que c’est un printemps spécial où tous les cocotiers seront secoués par un vent mystérieux qui souffle d’on ne sait où. Un printemps arabe! Cela me rappelle le titre d’un livre qui m’a été prêté en 1962, (je ne sais plus si c’était en hiver ou au printemps, car cette année-là, toutes les saisons furent chaudes) par mon professeur de sciences naturelles, une délicieuse dame originaire des Pyrénées. Ce recueil de reportages avait été écrit par un grand journaliste, Jacques Benoist-Méchin, un type qui a été condamné (et cela, je l’ai su plus tard) pour collaboration avec les Allemands. Les reportages en question concernaient les principaux pays arabes qui connaissaient un regain grâce à leurs programmes de développement ou grâce à la manne pétrolière. C’était la période où les Etats-Unis remplaçaient la Grande-Bretagne dans cette zone si sensible. C’était surtout un hymne à la gloire et à la sagesse du roi saoudien, Ibn Seoud. Cela n’a évidemment rien à voir avec ce qui se passe actuellement: mais à y regarder de près, il peut sembler louche que des pays, Amérique et Europe groupés au sein de l’Otan, qui ont toujours aidé Israël contre les Arabes, se frottent les mains de satisfaction devant ce printemps qu’ils s’empressent d’aider à sortir de l’oeuf. D’ailleurs, pourquoi la flotte américaine se rapproche-t-elle dangereusement des côtes libyennes? Elle qui a réussi à installer un sanglant hiver sur Hiroshima, le Vietnam, l’Irak (j’en oublie peut-être), réussira-t-elle à faire pousser des coquelicots entre les derricks? Tout le problème est là. L’hypocrisie des Etats occidentaux est flagrante, instituer un tribunal pour châtier les responsables de crimes contre l’humanité alors qu’un boucher célèbre comme Sharon (Sabra et Chatila) n’en finit pas de mourir dans son lit pendant que George Bush égrène les dividendes de son agression en Palestine. Que ne pensent-ils pas plutôt à un printemps palestinien?

Selim M’SILI

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