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Reproches


«La femme est l’avenir de l’homme» Aragon

Depuis quelque temps, mon rédacteur en chef ne m’a pas à la bonne: je le sens chaque fois que je franchis avec de plus en plus d’appréhension le seuil de son bureau. Lui qui, jadis, m’accueillait avec un sourire aussi large qu’une place publique, esquisse à peine un regard torve qu’il rectifie aussitôt en faisant semblant de chercher quelque chose sur l’écran de son PC. Bref, je sens planer une menace au-dessus de ma pauvre tête. Lui qui, auparavant, m’encensait pour la moindre citation pédante que je faisais à propos de rien et de tout, reste de marbre devant mes sorties fracassantes. Bref, je crois que je file du mauvais coton. Et pourquoi tout cela? Parce que ma plume est usée, paraît-il! Mes chroniques ne sont plus accrocheuses et que je ne colle pas assez à l’actualité! Mais, Monsieur, moi, je ne veux pas coller à l’actualité! Je ne vais pas être celui qui va faire le énième commentaire sur un sujet qui a déjà été galvaudé par des confrères, chacun dans son style et dans sa forme particuliers. Je ne veux être ni la mouche du coche ni apporter de l’eau au moulin qui broie du vide. Je veux être celui qui rappelle ce que les autres ont fait semblant d’oublier! Je veux éveiller le souvenir nostalgique des années à jamais enfuies! Qu’apporterais-je de plus à l’agression montée contre un marcheur pacifique et plein de civisme? Quel sera l’impact de mon «papier» sur l’intrusion soudaine des trabendistes sur le terrain politique et leur épanouissement sur les trottoirs de notre immonde cité? Qui me croira qu’il suffit de casser du démocrate pour bénéficier de l’attention de ceux qui distribuent si généreusement la rente? Mais il n’y a pas que cela! Cette semaine, mon rédacteur en chef a fait quelque allusion sur mon absence à propos de la célébration de la Journée de la femme! Mais, moi, Monsieur, la Femme, avec un grand F, je la célèbre tous les jours: le jour, la nuit, à la ville comme à la campagne, au bureau comme en ville... Je la chante quand je massacre tous les couplets d’Aragon à la gloire d’Elsa ou quand je déclame du Ronsard ou du Pétrarque! Je la chante chaque fois que sort de mes lèvres balbutiantes le doux souvenir d’une mère attentionnée ou chaque fois que le rêve d’un amour passé vient agiter ma nuit. Oui, Monsieur, j’aime la Femme et c’est pour cela que je ne lui ferai pas l’injure d’étaler à ses nobles pieds des platitudes qui m’avaient été jadis inspirées par ce noble sentiment: jugez-en! Voilà ce que j’écrivais en 2004, en mars 2004: «Elle est faible, elle est forte. Elle est tendre, elle est dure. Elle est la mère qui veille d’un oeil toujours vigilant sur toute la maisonnée: sur l’alimentation, la santé et l’éducation de ses enfants. Elle est la première à se lever pour réveiller les autres, elle est la dernière à se coucher après avoir contrôlé que tout le monde est bien rentré, que chacun a eu sa part. Elle ne s’endort qu’après avoir bordé tout le monde... On nous a souvent habitués à l’image de la femme-objet dont se parent les couvertures de magazines de mode: elle est alors la femme superbe qui présente les dernières créations d’une haute couture mettant en valeur tous ses naturels attributs, qui expérimente sur une peau satinée les dernières crèmes antirides et sur ses cheveux les onguents miraculeux qui feront d’une chevelure crépue une prairie soyeuse et ondulante. On l’exhibe, on la montre comme une bête curieuse, on lui décerne des prix à l’occasion de concours de toutes sortes, on la traite comme une marchandise...» Je ne peux dire mieux ni faire mieux sans verser dans la démagogie ou la redondance.

Selim M’SILI

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