Beaucoup de choses ont été dites à propos du scandaleux amendement introduit par une quarantaine de députés, le 15 juin dernier dans la loi de finances complémentaire pour 2011 et autorisant l’importation de la friperie. Tout, sauf l’essentiel : cet amendement est anticonstitutionnel et est en parfaite violation du règlement intérieur de l’Assemblée.
Kamel Amarni - Alger (Le Soir) - «Nous aurions pu éviter l’introduction de cet amendement et toute la polémique l’ayant accompagné si Ziari avait fait montre d’un minimum de vigilance. Sous Amar Saïdani, Karim Younès et Abdelkader Bensalah, ce genre de propositions d’amendement sont systématiquement rejetées par dizaines, au niveau du bureau de l’APN pour vice de forme», nous confie une source gouvernementale. L’article 61 du règlement intérieur de l’Assemblée stipule clairement en effet que «les amendements doivent être succinctement motivés. Ils doivent s’appliquer à un article du texte déposé ou être directement en relation avec celui-ci s’ils portent sur un article additionnel. Le bureau (de l’APN) apprécie la recevabilité des amendements au sens du présent article. Le bureau de l’Assemblée populaire nationale décide de l’acceptation ou du rejet de l’amendement en la forme. (…)». Et en l’occurrence, dans le projet de loi de finances complémentaire pour 2011 qu’a présenté le gouvernement, il n’y avait aucun article qui traitait de l’importation de produits usagers, la friperie encore moins ! Ni de manière directe, ni indirecte ce qui, de fait, aurait incité le bureau de l’Assemblée à signifier le rejet pour vice de forme. Grave négligence de la part de l’institution législative qui piétine son propre règlement intérieur. Mais ce qui relève davantage de l’invraisemblable, c’est lorsque toute une institution viole la Constitution pour que des contrebandiers spécialisés dans la friperie et sévissant notamment aux frontières Est avec la Tunisie et la Libye, fructifient leurs affaires ! Dans son chapitre consacré au Parlement, la loi fondamentale stipule expressément en son article 121 ce qui suit : «Est irrecevable toute proposition de loi qui a pour objet ou pour effet de diminuer les ressources publiques ou d’augmenter les dépenses publiques, sauf si elle est accompagnée de mesures visant à augmenter les recettes de l’Etat ou à faire des économies au moins correspondantes sur d’autres postes des dépenses publiques.» Pour mieux comprendre comment la Constitution a été violée, il faut préciser que l’autorisation à l’importation d’un produit, ici la friperie, signifie l’octroi d’autorisation à obtenir de la devise. Ce qui est à mettre dans la catégorie «diminuer les ressources publiques ou augmenter les dépenses de l’Etat». Or, les auteurs des quatre amendements controversés n’ont, à aucun moment, accompagné leurs propositions par «des mesures visant à augmenter les recettes de l’Etat ou à faire des économies au moins correspondantes sur d’autres postes des dépenses publiques». l s’agit là du deuxième scandale qu’enregistre l’APN de Abdelaziz Ziari en quelques semaines seulement, après celui de la trituration indue du code communal. «Cette fois, le souci mercantiliste a primé sur toute autre considération. Comment expliquer, sinon, que les quatre propositions d’amendement concernant la friperie émanent de quatre députés issus de la même région frontalière Est : trois de Tébessa et un d’El Oued ?», observe encore notre source. Il s’agit, en effet, du député FLN de Tébessa, El Ouafi Sebti, du député RND de Tébessa, Ferhat Bendifellah, du député MSP de Tébessa, Ahmed Issaâd et, enfin, du député de Ouargla, Imad Djaâfri, appartenant au groupe des indépendants. Ces députés, et certains de leurs cosignataires ont, par ailleurs, parrainé de manière solidaire les quatre propositions d’amendement. «Ziari nous a mis dans l’embarras : au niveau du Sénat, rejeter cet amendement signifie que toute la LFC 2011 tombe et, avec, toutes les mesures d’urgence prises par le président en février et mars dernier. » Pour rappel, la LFC 2011 consiste, essentiellement, en un gigantesque programme comprenant le soutien aux produits de large consommation, la création d’emplois, le logement, les augmentations salariales, etc. qu’avait ordonné Bouteflika pour éviter une révolte à la tunisienne ou à l’égyptienne. «Une seule solution nous est restée : laisser faire pour le moment pour éviter le blocage mais rendre caduque cette mesure via des subterfuges douaniers. Et cela, le ministère des Finances sait très bien le faire», ironise notre source.
K. A.