« Il faut livrer les noms ! »
Le Ruisseau des singes pourrait devenir un autre haut lieu de la Révolution algérienne, celui de l’épuration des rangs de l’ALN et de la Révolution armée des faux moudjahidine dont le nombre atteindrait, selon Ahmed Bencherif, 35 000 personnes.
Autant de faux combattants qui non seulement ternissent l’histoire de la Révolution armée mais « continuent à percevoir des pensions indignes d’eux et dont les fonds sont subtilisés à d’autres forces vives représentées par les jeunes au chômage et à qui il faudra créer des postes de travail avec l’argent touché indûment », a estimé un intervenant à la rencontre du comité provisoire avec les combattants de la Wilaya IV historique. Ce serait donc 750 millions de dinars touchés illégitimement chaque mois ! Le colonel Ahmed Bencherif, ancien patron de la Gendarmerie nationale, ancien membre du Conseil de la Révolution et ancien ministre de l’Irrigation et des forêts, président du Comité national provisoire pour la libération de la famille révolutionnaire, a parlé d’épuration des rangs : « Il faut dénoncer et livrer les noms des faux combattants afin de faire émerger les authentiques enfants de l’Algérie et non les membres d’une maffia forte au point d’accaparer tous les rouages des ministères, même des anciens moudjahidine. » La rencontre devait avoir lieu au Nadi du moudjahid à Blida mais l’annulation vint à la dernière minute. Ce n’est qu’à la veille de la tenue de cette rencontre que les militants des zones de la Wilaya IV furent avisés du changement d’adresse, et c’est le site du Ruisseau des singes qui accueillit quelques dizaines de personnes. Benyoucef Mellouk, un des artisans du mécanisme de dénonciation des faux moudjahidine et des magistrats faussaires, rappellera que ceux parmi les authentiques qui avaient attesté du « grade » de moudjahid pour les usurpateurs furent ceux qui espéraient un petit service au niveau de l’administration. Ce fait sera corroboré par le premier intervenant de la Wilaya IV, représentant de Aïn Defla : « 14 000 faux moudjahidine sont recensé à Aïn Defla dont 1300 femmes ! Nous détenons la liste et défions quiconque osera dire le contraire. » Il ajoutera à l’adresse de Saïd Abadou : « Les membres de l’ONM au niveau du bureau de Aïn Defla sont nommés sans aucune démocratie : pourquoi nous sont-ils imposés ? » M. Bencherif répondra : « Si je me présentais à Djelfa, je ne remporterais que 30% des voix ! C’est pour cela qu’il est demandé d’abord de nettoyer nos rangs avant d’organiser une quelconque élection pour les bureaux de l’organisation. » M. Bencherif clamera à l’adresse du ministre des Anciens moudjahidine : « Il reconnaît avoir une liste de dix mille faux combattants et attend en même temps la liste que doit produire Bencherif. Qu’il fournisse sa liste ! »
- " Un traître doit être écarté "
Lakhdar Bensaïd, responsable de la coordination entre les wilayas historiques pour la commission provisoire dira : « Au référendum de 1962 pour l’indépendance de l’Algérie, il y avait eu 16 000 voix contre et j’assure que sept à huit mille de ces personnes qui ont voté contre l’indépendance du pays se trouvent aujourd’hui dans les rouages de l’Etat algérien (...). Dans aucune puissance au monde ne figure un traître dans les rouages des responsabilités de son pays ! Un traître doit être écarté et c’est notre mission aujourd’hui. » Durant la rencontre, il fut souvent question du retrait immédiat de Bencherif juste après le congrès prévu à la fin de la tournée des wilayas, vers la mi-mars. Abid Mustapha, ancien colonel de la Wilaya V, venu à la rencontre afin de préparer les assises de sa wilaya, prendra la parole pour préciser : « Nous sommes devenus une minorité ! Ceux qui occupent les responsabilités au niveau du conseil national de l’ONM sont des faux ! » Les présents semblent convaincus que l’actuel président de la République algérienne sera le dernier des anciens combattants au sommet de l’Etat et craignent pour l’écriture de l’Histoire.
Le représentant de Chlef évoquera l’idée de conférences régionales et l’encouragement à apporter pour la recherche historique. Dans le débat, il sera relevé le fait qu’il n’existe plus en Algérie les victimes de faits de guerre et tous portent le titre d’anciens combattants. Un intervenant précisera : « Le peuple algérien a le droit de prendre son dû du pétrole mais non de la Révolution qui doit rester propre et ne pas faire du social. » Evoquant la corruption, M. Bencherif déclarera : « La première corruption est venue de ceux qui ont monnayé leur attestation de moudjahid et des dix mille Algériens qui travaillaient dans l’administration marocaine et qui étaient rentrés au pays en 1962 (...). » M. Bencherif a précisé que la liste des faux moudjahidine sera sur la table du président de la République au lendemain de la tenue du congrès. M. Kemane, de l’Organisation des enfants de chouhada pour la wilaya de Blida, acquiesçait de la tête lorsque M. Bencherif apporta des précisions sur les raisons du peu de représentativité de la Wilaya IV : « C’est la faute à M. Abadou, secrétaire général de l’ONM. » (El watan - 10-02-2007/ A. Mekfouldji )