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CE MONDE QUI BOUGE


Printemps arabe, six mois après, où en est-on ?

Par Hassane Zerrouky
On l’a déjà écrit : la théorie du complot a la dent dure. Ses théoriciens continuent d’affirmer que l’Occident capitaliste est l’instigateur des «révoltes arabes» ! Mais encore une fois, rien ne sert de nier que c’est l’obstination de ces régimes dynastiques à réprimer au lieu de répondre aux aspirations démocratiques de leurs peuples, qui est à l’origine des immixtions occidentales et non l’inverse. Cela posé, où en est la situation dans les pays touchés par l’onde de choc tunisienne ?
La Syrie. Lundi dernier, le gouvernement syrien a adopté un projet de loi encadrant la création de nouveaux partis, ouvrant la voie au multipartisme. Confronté depuis le 15 mars à des manifestations dont il n’a pu venir à bout en dépit d’une répression qui a fait plus de 1 500 morts, le pouvoir de Bachar al-Assad n’avait, pour ainsi dire, pas d’autre choix. Toutefois, si les manifestations dans plusieurs villes syriennes se poursuivent, attention à la manipulation des chiffres : un million de personnes dans les rues de Hama (1,4 million d’habitants) le 15 juillet, 600 000 à Deir Ez-Zor, autant à Homs, cela laisse rêveur ! On se demande comment tient le régime quand on sait qu’en Egypte et en Tunisie, la mobilisation n’a jamais atteint de tels chiffres ! Mais comme Damas interdit aux journalistes de s’y rendre, il est impossible de vérifier ! Au Yémen, la situation est encore plus préoccupante. La stratégie du chaos poursuivie par le président Saleh conjuguée à l’entrée en scène de la Qaïda pour la péninsule arabique (AQPA) est en train de précipiter le pays vers le pire. En ordonnant à ses forces armées de ne pas s’opposer à l’offensive des islamistes dans la province d’Albyane, dans le sud du pays, le pouvoir de Saleh croit pouvoir retourner la situation en sa faveur : la prise de Zinjibar, capitale de la province, livrée sans combat aux islamistes, a provoqué une fuite massive de la population vers Aden. Abdellah Ali Saleh escompte ainsi que le peuple l’appelle à rétablir l’ordre et la stabilité ! Quant à la situation libyenne, elle est plus compliquée qu’elle n’en donnait l’air lorsque l’Occident avait décidé d’en finir avec le régime de Kadhafi. L’offensive des insurgés marque le pas. L’enlisement est bien là. Contrairement à Paris qui avait claironné un peu tôt la fin imminente du colonel libyen, Washington admet, par la voix de son plus haut gradé, l’amiral Michael Mullen, que l’Otan est dans «une impasse». On se met dès lors à parier sur une «révolution de palais» pour débloquer la situation. Moralité : imposer la démocratie à coups de bombes n’est pas la bonne solution ! En Tunisie et en Egypte, le plus dur reste à faire. L’enjeu pour ces deux pays : se doter de constitutions réellement démocratiques, instituant la séparation des pouvoirs, l’alternance politique, et excluant toute instrumentalisation du religieux à des fins politiques. Dénominateur commun des forces progressistes des deux pays : éviter que la révolution ne soit confisquée par les forces qui n’y ont pas pris part ou qui, à l’instar des Frères musulmans en Egypte ou d’Ennahda en Tunisie, restées à l’écart du mouvement populaire, n’ont pas renoncé à leur prétention de représentants exclusifs du peuple. C’est la raison pour laquelle en Egypte, à l’exception des islamistes, la plupart des forces politiques demandent que la nouvelle Constitution soit élaborée avant les élections. Vendredi dernier, les islamistes ont menacé de déloger par la force les manifestants occupant depuis plusieurs jours la place Tahrir et qui demandent aux militaires de ne pas trahir l’esprit de la révolution ayant mis fin au pouvoir de Moubarak ! En Tunisie, après le report des élections au 23 octobre, le but est d’élire une Assemblée constituante représentative de tous les courants du pays afin d’éviter qu’une seule force politique n’impose son ordre politico-constitutionnel au pays. En conclusion, ces révolutions ou révoltes, qu’importe le terme, sont en fait la traduction d’une crise de la représentation politique des sociétés arabes et maghrébines et expriment un besoin impérieux de changement démocratique. Un exemple : l’abstention massive en Algérie, au Maroc, en Egypte aux divers scrutins durant ces dix dernières années, exprime une défiance populaire envers le politique et montre combien les institutions «élues» sont éloignées des peuples qu’elles sont censées représenter !
H. Z.

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