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Juppé, Chevènement et la repentance

 

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Ne jouons pas sur les mots. «Repentance», «pardon», «excuses» peu importe, l´essentiel est d´exprimer un sentiment de culpabilité et de regrets. Comme l´a fait l´Australie pour les aborigènes, l´Angleterre pour les Irlandais, comme l´ont fait beaucoup de pays, y compris la France, pour les juifs.

Ces derniers jours, deux personnalités françaises, Alain Juppé et Jean-Pierre Chevènement, ont dit clairement ce qu´ils pensaient de la repentance attendue par les Algériens. Ils l´ont fait sur le sol algérien lors de leur visite toute récente. «Il n´y aura pas de repentance!» a tranché Alain Juppé. Et puis, «assez de ressasser le passé!» a-t-il poursuivi.
Chevènement prend un détour par l´église pour dire que «la repentance est une suggestion imprégnée d´esprit chrétien». Donc pour lui, elle ne peut être exprimée par la République française qui est laïque. Il fallait y penser. Mais il ajoute qu´«un travail de conscience fait ensemble est beaucoup plus positif que de vouloir accabler son partenaire». Là aussi, il faudra se creuser les méninges pour essayer de comprendre en quoi consiste le travail de conscience en commun. Du côté algérien, c´est le silence total. Ni du côté officiel ni d´ailleurs. A chacun ses raisons mais comme il s´agit d´un patrimoine collectif, nous n´hésitons pas une seconde pour donner notre avis. Ne jouons pas sur les mots. «Repentance», «pardon», «excuses» peu importe, l´essentiel est d´exprimer un sentiment de culpabilité et de regrets. Comme l´a fait l´Australie pour les aborigènes, l´Angleterre pour les Irlandais morts de faim en 1849, le Japon pour tous ceux qui ont souffert de l´agression de l´armée nippone lors de la Seconde Guerre mondiale, comme l´ont fait beaucoup de pays, y compris la France, pour les juifs. Cette France, qui se mêle même de l´histoire des autres et qui exige de la Turquie la reconnaissance du génocide arménien, découvre subitement qu´il «ne faut pas ressasser le passé». On aurait pu comprendre que Juppé, ministre d´Etat, ne peut pas être à l´opposé de son président de la République, mais c´est son agacement face à cette question qui pose problème. On n´ose pas croire que c´est la voix affranchie des anciens «indigènes» qui l´a irrité. Alors où est le problème? S´il n´y en avait pas, la France n´aurait pas demandé pardon aux juifs. C´est tout simplement une certaine garantie, toute relative mai non négligeable, contre la récidive. Voilà ce que veulent entendre les Algériens. Il est vrai qu´ «à l´impossible nul n´est tenu» et que si Juppé ne peut pas s´engager au nom de la France, on préfère mettre sur ce compte son agacement. Ce qui débouche naturellement sur le «travail de conscience ensemble» proposé par Chevènement. Quand on décide de travailler sur la conscience, il est évident que cela traduit une recherche. Des doutes. Les Français ont le droit de s´interroger sur ce qu´ils ont fait, sur ce qu´ils n´ont pas fait, sur ce qui a été fait sur leur dos, sur toute chose qui a pesé sur le cours de l´histoire de leur pays. Par contre, il est pour le moins indécent de demander le même travail aux Algériens pour qui la colonisation de leur pays par la France durant un siècle et demi ne souffre d´aucun doute. Une certitude qui n´a besoin d´aucun «travail» supplémentaire. Ceci dit, M. Chevènement et ses compatriotes peuvent faire leur «travail de conscience» à leur guise. Mais de grâce, épargnez-nous vos conseils sur la mémoire des peuples! Ne vous trompez pas, vous aurez besoin de la vôtre pour votre «travail de conscience». On dit chez nous «un aveugle ne peut montrer la lumière aux autres». L´autre vérité est qu´il n´y a que le rapport de force qui décide l´expression du pardon ou des excuses. Ceci est valable tant pour les individus que pour les Etats. En ce moment, se tient le forum de Crans-Montana sous le thème «Une révolution majeure est en cours, quel sera notre monde de demain?», Il est plus qu´intéressant de suivre les communications qui y sont faites et les débats qui suivent. Car, dans les changements qui s´opéreront dans le monde, il n´est pas exclu que les puissants d´aujourd´hui deviennent faibles demain. Ce sont des experts et non des moindres qui l´affirment. La vie d´une nation ne se compte pas en années. Le pardon qu´on n´obtient pas aujourd´hui pourra l´être demain. Nous en sommes convaincus!

(zoume6@hotmail.com)

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