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Contrechamp

 

 

L’Égypte ou l’hypothèque militaire de la démocratie

Par : Mustapha Hammouche

Après une sanglante répression des manifestants suivie de la démission du gouvernement, l’armée égyptienne s’est résolue à négocier avec des représentants de forces politiques. C’est le résultat de ce qui, pendant trois jours, fut véritablement une seconde insurrection.
La place Tahrir et d’autres villes d’Égypte ont réagi à une entreprise de restauration de l’ancien système sans Moubarak.
En voulant imposer le fait accompli d’une constitution préalablement balisée par le gouvernement en place et qui met notamment le budget de l’armée hors du contrôle parlementaire, l’armée a tenté un putsch par anticipation contre le régime d’après-Moubarak, privant d’avance le Parlement de tout droit de regard sur le fonctionnement de l’institution militaire.
Si l’assemblée nationale devrait, à moins d’un report de dernière minute, être élue ce 28 novembre, le CSFA s’est bien gardé de programmer une date pour l’élection présidentielle. Les Égyptiens sont progressivement passés du doute à la conviction quant à l’arrière-pensée restauratrice du maréchal Tantatoui et de son conseil. Ils découvrent surtout que “dégager” Moubarak ne suffisait pas à “dégager” le régime et qu’un régime peut s’accommoder de changement de “ses” civils, si ce changement n’entame pas la primauté de la décision militaire sur les prérogatives des institutions. L’armée égyptienne semble avoir été tentée de constitutionnaliser, par précaution, cette prééminence et de gagner du temps en retardant la mise en œuvre de la revendication de changement démocratique.
L’expérience égyptienne repose ainsi la problématique de l’évolution politique à partir d’un régime dictatorial de ce type et qui caractérise la plupart des États non monarchiques du monde dit arabe. Si un souverain de droit divin est dispensé de l’appui politique de son armée, le maître d’une “république” dictatoriale ne tient son pouvoir que de son rapport — politique — à l’armée qui, elle-même, tient sa puissance de sa capacité à soumettre la société en l’encadrant policièrement et en la réprimant militairement à l’occasion. Tant que c’est possible, cette fonction est déléguée à la police civile, mais le rempart ultime de la dictature reste l’armée.
Étrangement, elle tire sa légitimité — politique — de la menace extérieure, en entretenant la confusion entre la contestation de son rôle politique et l’atteinte à la mission de défense nationale, une confusion qui est à l’origine de l’invention de “l’ennemi intérieur”. Ce pouvoir de contrôle physique de la société en fait l’allié nécessaire du despote qui craint ou refuse la règle démocratique du choix populaire. Comme le temps n’est plus à l’empire franc de militaires en uniforme, des institutions “républicaines” leur servent de vitrine civile. Et le rapport entre les deux faces d’un même régime dépend des circonstances politiques concrètes. En cas de besoin, il peut aller jusqu’au sacrifice de la façade civile et son remplacement, le tout étant de changer d’apparence sans changer de nature.
C’est ce côté “transformiste” des dictatures de la région qui rend les processus de rupture démocratique si laborieux, si sanglants et si incertains.
M. H.
musthammouche@yahoo.fr

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