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  • Contrechamp


     

    Dépense, inflation et contre-développement

    Par : Mustapha Hammouche

    Après une série d’augmentations salariales “électorales” en 2008-2009, une cascade de réévaluations salariales, suivie de nouvelles subventions de produits alimentaires, est venue entretenir “la paix civile” en 2011.
    Malgré une augmentation de 11% de la production agricole, les prix se sont envolés. Faute de croissance, “globalement ralentie”, comme l’observe la Coface dans sa dernière “appréciation”, les surplus de revenus ont eu un effet inflationniste élevé. La conséquence en est que bien des niveaux de salaires ont été déclassés, n’autorisant plus un mode de vie supportable. Une étude de l’UGTA, qu’on ne peut pas soupçonner de subversion, vient d’établir qu’il y a besoin d’un minimum de 37 000 DA. Ce qui n’est pas un salaire courant.
    Les revenus pétroliers, en constant accroissement, dispensaient le pays d’une politique de développement économique. Le peu d’activité productive, dans l’agriculture et l’agro-alimentaire, d’une part, et les activités suscitées par la dépense publique, comme le BTP, d’autre part, donnent l’illusion d’une vie économique. La dépense publique elle-même constitue l’essentiel des revenus des entreprises et des ménages. Elle sert aussi à l’enrichissement des familles et catégories élues au partage de la rente et à l’entretien des relations étrangères du clan dirigeant. Mais, pour la première fois depuis plusieurs années, la production en hydrocarbures, jusqu’ici toujours en augmentation, a stagné, voire diminué, pour le gaz.
    Mais, puisque les importations doivent continuer à s’accroître, malgré les limitations, et parce que le pays importe d’abord ses produits de première nécessité, il faudrait que le prix du baril se maintienne, au moins, au niveau actuel, pour que les Algériens puissent conserver le niveau de vie actuel. Sinon, il faudra puiser dans le Fonds de régulation jusqu’en… 2014. Après… après, Dieu seul sait.
    L’année 2011 aura été une année de production de l’inflation, du fait d’une pratique de revalorisation politique, souvent spectaculaire, de larges catégories de fonctionnaires et de distribution de crédits parfois immédiatement orientés vers les dépenses de consommation. Le surplus de revenus des rentiers est rarement destiné à l’investissement ; il lui est préféré la spéculation foncière, hors de portée des contrôle fiscaux et de la pression bureaucratique et corruptrice.
    Avec l’inflation, le pouvoir d’achat global diminue, même si celui de certaines catégories a fait un bond remarquable. Les catégories, en reste de ce mouvement de revalorisation salariale, elles, connaissant un niveau de pression inédit sur leur pouvoir d’achat. Et le nombre de chômeurs augmente nécessairement faute d’investissement.
    Ainsi se présente ce début 2012 : allongement de la liste de produits soutenus, augmentation du chômage, forte demande de logements sociaux, insuffisance de la production locale, inflation. Il faudra “dépenser plus pour apaiser plus”, pour paraphraser la formule popularisée par Sarkozy.
    Sauf que les augmentations passées, les augmentations sélectives, si elles ont produit de la demande et de l’inflation, ont, pour cette raison même, noyé des niveaux de revenus qui, jusque-là, avaient encore la tête hors de l’eau. Comment l’État pourra-t-il continuer de maintenir un minimum de pouvoir d’achat en comptant sur la seule rente pétrolière et en se dispensant de toute politique de développement économique.


  • Esprits criminels

     

    L’esprit des réformes, selon Ould Kablia

    Par : Mustapha Hammouche

    Dans le discours distribué à la presse, à l’occasion de son récent déplacement à Laghouat, le président de la République déclarait que “la nation arabo-musulmane passe par une dure épreuve” et que “l'Algérie, qui fait partie de ce vaste monde, influe sur les évènements qui surviennent autour d'elle et en subit naturellement l'influence”. Dans cette conjoncture, l’Algérie a choisi de “garantir, selon Bouteflika, un climat propice à des réformes politiques et socioéconomiques pour mieux répondre aux aspirations de la société à des réformes durables”.
    Si, dans le discours présidentiel, “les réformes” annoncées le 15 avril s’inscrivent dans un mouvement général d’évolution politique de la région, il n’en est pas de même pour son ministre de l’Intérieur qui, hier, donnait sa propre lecture des évènements qui secouent “la nation arabo-musulmane”. Pour Daho Ould Kablia, de nombreux pays du monde arabe et d'Afrique doivent faire face à l'émergence récente d'un vent d'instabilité “qui, sous le couvert de revendications de plus de démocratie et de droits, somme toute souvent légitimes, dissimule des desseins inavoués pernicieux et met en péril l'existence de nos États et de nos peuples en tant que nations”. Ce “vent d’instabilité”, au lieu de constituer une opportunité d’évolution, “risque, selon le ministre, de compromettre les acquis sociaux, politiques et économiques de nos peuples et de nos citoyens, acquis réalisés au prix de durs sacrifices de la nation entière”.
    Devant le comité bilatéral frontalier algéro-nigérien, le ministre, qui parraine le processus d’adoption des “lois de réformes”, met en garde contre “cette situation nouvelle, au danger particulièrement sournois, qui a déjà mis à rude épreuve le devoir national de vigilance de certains pays arabes”. Il appelle, donc, nos voisins du Sud “à plus de solidarité et de concertation pour conjurer la collusion entre ce nouveau défi et les forces du chaos que sont le terrorisme et la criminalité transnationale organisée”.
    Voici donc comment le ministre des réformes de la vie politique et associative conçoit le mouvement de revendications politiques qui
    traverse notre région : un “vent d’instabilité”, dissimulant, sous la revendication démocratique, “des desseins inavoués pernicieux” qui mettraient en péril l’existence “de nos nations et une situation” au “danger particulièrement sournois”. Il y voit, en plus de “desseins inavoués” et du “danger sournois”, “une collusion entre ce nouveau défi et les forces du chaos que sont le terrorisme et la criminalité transnationale organisée”.
    On comprend mieux, à la lecture de l’analyse, que notre ministre de l’Intérieur fait de la conjoncture régionale, l’esprit dans lequel le processus de réformes est conduit. Loin de traduire une compréhension du sens d’un mouvement historique, elles sont conçues comme une riposte contre un péril qui, selon une formule surannée, menace “les acquis des peuples” et l’existence de la nation ! Si, en plus, ce mouvement est de connivence avec le terrorisme et la criminalité organisée, ce n’est pas des réformes qu’il appelle, mais une contre-attaque.
    C’est exactement ce qu’ont fait le gouvernement et le Parlement : ils se sont donné un arsenal de contre-offensive à l’endroit de la revendication démocratique.
    M. H.
    musthammouche@yahoo.fr

  • Contrechamp

     

     

    Le sous-développement qui (nous) va bien

    Par : Mustapha Hammouche

    “L’université algérienne se porte bien”, a martelé le président de la république à Laghouat, au cours d’une adresse de quelques minutes.
    Même si l’appréciation ne correspond pas précisément ni aux évaluations internationales, ni à la qualité de la production universitaire nationale, ni à ses effets sur la vitesse de développement du pays, un tel propos ne devrait pas forcément étonner. Le jugement doit être rapporté à la qualité de l’université qu’on ambitionne.
    L’état de santé d’un organisme dépend de ce qu’on veut en faire. Si l’université va bien, c’est qu’elle répond à la fonction qu’on attend d’elle. Le diagnostic vaut pour tout le pays : l’Algérie, telle qu’elle est, va bien ; pourquoi son université, sa justice, son économie, sa santé, son agriculture, sa diplomatie n’iraient-elles pas bien ?
    Il n’est pas nécessaire que le pays aille bien pour tous, pour les jeunes diplômés, pour les retraités, pour les militants des droits de l’homme. Il y en a pour qui elle va bien, tellement bien, qu’ils en redemandent et précèdent le président dans ses déplacements pour lui opposer bruyamment leur revendication d’un quatrième mandat.
    Le pays (leur) va bien. Et le président aussi. Qu’il parle, souvent, pendant quatre heures, comme au début de ses premiers mandats, ou qu’il intervienne, rarement, pour quelques minutes, comme il le fait ces derniers temps. L’Algérie réelle, celle du court discours que le président a prononcé, leur va bien ; l’Algérie virtuelle, celle qu’on devine à travers le discours écrit que le président n’a pas lu, devrait nous aller. Toute la symbolique de l’arbitraire est dans le fait qu’il ne faut pas donner de signification à ce procédé inédit de diffusion médiatique d’un discours écrit que le chef de l’État aurait dû lire. Ici est figurée distinction entre le pays réel et le pays virtuel. Celui de la rente et de l’immobilisme politique, d’un côté, celui des virtuelles réformes, de l’autre.
    Au moment où la police interpellait un militant laghouati des droits de l’homme à l’aéroport d’Alger, on pouvait lire dans l’adresse présidentielle que les réformes visent à “insuffler un nouvel élan à même d’ancrer le processus démocratique, conforter l’équilibre entre pouvoirs, garantir les libertés individuelles et collectives et les droits de l’homme, conférer davantage d’efficacité à l’activité associative, élargir la participation des citoyens à l’action politique et promouvoir le rôle de la femme et des jeunes” !
    Ceux qui pensait que les réformes étaient mal parties parce que le Parlement, en examinant les premières “lois de réformes” auraient travesti la version du président et attendaient son intervention sont avertis : Bouteflika est satisfait de la tournure prise par son projet, celle d’une remise en cause des petites niches de droits et libertés arrachés au lendemain de la révolte d’octobre 1988.
    Parce qu’il est tout entier conçu pour défendre sa nature autoritariste, le système algérien n’est pas réformable de l’intérieur. Et pour cela, il peut se satisfaire même d’une Algérie qui se “sous-développe”, tout en attestant qu’elle va bien. Tant que la rente le permet.
    M. H.
    musthammouche@yahoo.fr

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    À propos de l’avenir de l’islamisme

    Par : Mustapha Hammouche

    Quand Abdallah Djaballah dit qu’il “pense que le courant islamiste a toutes ses chances d’arriver au pouvoir, à condition de tenir des élections libres et transparentes”, il faut le croire. Pour cette fois-ci.
    Même si Louisa Hanoune veut rassurer. “Les Algériens n’ont pas oublié que ce sont les islamistes qui sont derrière la tragédie nationale”, dit-elle. Avec un degré de sincérité qu’il faudrait mesurer. Car si les Algériens oublient, tous les jours, ce que la porte-parole a fait pour le FIS, pourquoi n’oublieraient-ils pas, un jour de vote, ce que le FIS leur a fait ? Si nous vivions sur l’empire de la mémoire, comment pourrait-il encore y avoir une place pour un parti trotskyste, révolutionnaire et parlementaire, internationaliste et protectionniste, allié de l’intégrisme et chantre du modernisme ?
    L’expansion de la culture de l’oubli est à la base de tout le mouvement de régression que nous subissons depuis le début de l’indépendance. Pour conjurer toute contestation, le pouvoir organisa l’encadrement politique, policier et médiatique de la société, dans la stricte finalité du monopole de son historiographie. Elle s’arrête à son apothéose, en 1962. Plus rien ne se passera, sinon les réalisations des dirigeants de légitimité révolutionnaire restés au service de la nation qu’ils ont libérée. La loi sur l’information qui sera bientôt votée va inclure l’interdiction de parler d’histoire, sinon dans sa version officielle, dans la presse.
    L’École, avec le concours d’un islamisme bienvenu car décervelant, se chargera de formater les générations de l’indépendance à l’assimilation indiscutable du discours du tuteur.
    Entre incantation islamiste et lyrisme révolutionnaire, les Algériens perdent le sens du présent et de l’avenir. Ils finiront par se souvenir de la légende et de l’épopée, jusqu’à les sacraliser, mais pas du passé immédiat.  
    Puisque, pour une fois, la chef du PT fait œuvre de mémoire, rappelons qu’il n’y a pas que “la tragédie nationale” et ses dizaines de milliers de morts à conjurer. Le FIS a été jusqu’à nous interdire la cigarette, la parabole et… la lecture de journaux, là où il pouvait le faire !
    Cela ne nous empêche pas de nous engager, par centaines de milliers dans son œuvre rédemptrice : ce qu’il y a de tragiquement efficace dans le terrorisme idéologique, c’est que la victime, en se soumettant, se transforme en bourreau et soumet, à son tour, d’autres victimes. Il n’y a qu’à voir le nombre de vigiles de la foi qui occupent les institutions et sillonnent l’espace public en quête de vices à redresser. La liberté aussi s’apprend.
    Autrement, elle est redoutée en ce qu’elle comporte son corollaire, la responsabilité. Alors, quand la liberté de choisir est acquise, on élit un autre autoritarisme pour abattre un autoritarisme en place. Pour des électeurs dépouillés d’ambition citoyenne, et donc d’ambition politique pour leur pays, le tout est de voter contre. Alors tuteur providentiel pour tuteur providentiel, la légitimité de source divine l’emporte sur la légitimité de source historique ou politique.
    Là est l’avenir de l’islamisme, en Algérie comme ailleurs en Afrique du Nord.
    M. H.
    musthammouche@yahoo.fr

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    Une réforme égarée dans le marais parlementaire

    Par : Mustapha Hammouche

    Plus de sept mois après l’annonce des réformes, les projets de loi conçus comme préalables à la révision constitutionnelle poursuivent leur croisière parlementaire. L’étude de commission et les débats de plénières traînent en longueur. Multiples et décousus, les amendements fusent de partout, de la commission juridique, des groupes parlementaires et des députés, altérant la cohérence et la finalité de cette batterie de textes, si elle en avait.
    C’est la première fois que l’Assemblée de la “réconciliation” se démarque, par son traitement d’une proposition de loi, de l’Exécutif, suggérant l’émergence surprenante d’un véritable pouvoir législatif. Les députés, et accessoirement les sénateurs, notamment ceux de la coalition gouvernementale, ont rarement contrarié l’attente d’un gouvernement où siègent leurs autoritaires chefs organiques. Connaissant la culture de l’assentiment mécanique qui fonde la relation entre l’Exécutif et les élus, on ne peut que s’étonner de ce vent d’autonomie politique qui souffle sur le Parlement et ses membres.
    C’est vrai qu’une atmosphère de fin de règne, propice à l’émergence de stratégies factionnelles, semble libérer les ambitions centrifuges. Sans un désintérêt du président pour le destin de ses soutiens organiques, ce qui se passe au FLN n’aurait pas advenu. Bouteflika est bien intervenu pour désamorcer la crise entre Ziari et Bensalah à l’occasion de l’amendement entaché d’inconstitutionnalité de l’article 69 du code communal portant sur l’élection du président d’APC et pour laisser passer l’amendement de la loi de finances autorisant l’importation de la friperie. Pourquoi se montre-t-il donc bien moins influent s’agissant de ses propres réformes politiques et s’accommode-t-il du tripatouillage inconsidéré qui gâte et ralentit ses propres réformes ? Mieux, le président à eu, tout au long de ses trois mandats, à éprouver l’efficacité de l’ordonnance quand il s’agit de faire l’économie de la procédure législative propre aux projets de loi.
    À moins que le cafouillage parlementaire ne fasse partie du “processus”. Car ce à quoi l’on assiste, ce n’est plus les réformes de Bouteflika, mais les réformes de la majorité parlementaire. Issue d’un système non démocratique qui juste appelle à être réformé, cette majorité n’a pas vocation à changer le système qui rend possible son existence !
    Pourquoi celui qui a su proposer directement au référendum populaire le projet de “charte pour la paix et la réconciliation nationale” ou faire voter sans coup férir une révision constitutionnelle pour un troisième mandat s’embarrasse-t-il aujourd’hui de l’épreuve d’un parlement dont beaucoup de membres se révèlent soudain entreprenants et intransigeants ? On n’a jamais vu cela depuis les débats sur… les indemnités des parlementaires !
    Ce n’est sûrement pas de ce côté-là que viendra le sursaut démocratique. C’est même de ce côté-là que se perdent les semblants de réformes pour la démocratie.
    M. H.
    musthammouche@yahoo.fr

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    L’Égypte ou l’hypothèque militaire de la démocratie

    Par : Mustapha Hammouche

    Après une sanglante répression des manifestants suivie de la démission du gouvernement, l’armée égyptienne s’est résolue à négocier avec des représentants de forces politiques. C’est le résultat de ce qui, pendant trois jours, fut véritablement une seconde insurrection.
    La place Tahrir et d’autres villes d’Égypte ont réagi à une entreprise de restauration de l’ancien système sans Moubarak.
    En voulant imposer le fait accompli d’une constitution préalablement balisée par le gouvernement en place et qui met notamment le budget de l’armée hors du contrôle parlementaire, l’armée a tenté un putsch par anticipation contre le régime d’après-Moubarak, privant d’avance le Parlement de tout droit de regard sur le fonctionnement de l’institution militaire.
    Si l’assemblée nationale devrait, à moins d’un report de dernière minute, être élue ce 28 novembre, le CSFA s’est bien gardé de programmer une date pour l’élection présidentielle. Les Égyptiens sont progressivement passés du doute à la conviction quant à l’arrière-pensée restauratrice du maréchal Tantatoui et de son conseil. Ils découvrent surtout que “dégager” Moubarak ne suffisait pas à “dégager” le régime et qu’un régime peut s’accommoder de changement de “ses” civils, si ce changement n’entame pas la primauté de la décision militaire sur les prérogatives des institutions. L’armée égyptienne semble avoir été tentée de constitutionnaliser, par précaution, cette prééminence et de gagner du temps en retardant la mise en œuvre de la revendication de changement démocratique.
    L’expérience égyptienne repose ainsi la problématique de l’évolution politique à partir d’un régime dictatorial de ce type et qui caractérise la plupart des États non monarchiques du monde dit arabe. Si un souverain de droit divin est dispensé de l’appui politique de son armée, le maître d’une “république” dictatoriale ne tient son pouvoir que de son rapport — politique — à l’armée qui, elle-même, tient sa puissance de sa capacité à soumettre la société en l’encadrant policièrement et en la réprimant militairement à l’occasion. Tant que c’est possible, cette fonction est déléguée à la police civile, mais le rempart ultime de la dictature reste l’armée.
    Étrangement, elle tire sa légitimité — politique — de la menace extérieure, en entretenant la confusion entre la contestation de son rôle politique et l’atteinte à la mission de défense nationale, une confusion qui est à l’origine de l’invention de “l’ennemi intérieur”. Ce pouvoir de contrôle physique de la société en fait l’allié nécessaire du despote qui craint ou refuse la règle démocratique du choix populaire. Comme le temps n’est plus à l’empire franc de militaires en uniforme, des institutions “républicaines” leur servent de vitrine civile. Et le rapport entre les deux faces d’un même régime dépend des circonstances politiques concrètes. En cas de besoin, il peut aller jusqu’au sacrifice de la façade civile et son remplacement, le tout étant de changer d’apparence sans changer de nature.
    C’est ce côté “transformiste” des dictatures de la région qui rend les processus de rupture démocratique si laborieux, si sanglants et si incertains.
    M. H.
    musthammouche@yahoo.fr

  • Contrechamp

    La rumeur, une spécificité du système politique

    Par : Mustapha Hammouche

    La veille de son limogeage, l’ancien président-directeur général, Nordine Cherouati, fustigeait les colporteurs de ragots qui fabulaient sur son supposé remplacement. Puis la rumeur devenait information : Abdelhamid Zerguine est officiellement nommé à la tête de la compagnie nationale des hydrocarbures.
    Le tapage médiatique reprenait, aux yeux du patron déchu, un bruit diffusé par des milieux dont Cherouati “dérangeait” les intérêts. Si l’on comprend bien, ces intérêts ont eu gain de cause et la tête du P-DG redresseur de tort. Maintenant qu’il n’est plus là pour tenir le siège de notre citadelle pétrolière et financière assaillie, son patriotisme devrait l’obliger à dévoiler la nature de ces intérêts et l’identité des milieux qui les servent.
    Mais non, bien sûr, il n’y aura pas de suite. Nos responsables n’agissent qu’à partir de positions officielles. Ce sont toujours les autres, ceux qui sont tenus, ou qui se tiennent, loin des institutions qui sont susceptibles de malveillance antinationale. Et s’ils se mettent à anticiper sur le destin des dirigeants en place, ils déclenchent les diatribes les plus enflammées. La réaction ne se limite au “démenti de la rumeur” ; elle y décèle le complot et le dénonce, bien entendu, sans jamais aller jusqu’à en franchement désigner les auteurs.
    Pourtant, contrairement au statut infamant dont elle souffre, la vérité est tout autre : dans le contexte algérien, la source d’information la plus crédible est la rumeur. Et ce sont les animateurs du système, ceux-là mêmes qui font que la décision et, donc, l’information évitent d’emprunter le cheminement institutionnel, qui s’en offusquent à la première occasion, reléguant la responsabilité de la rumeur à l’intermédiaire et au consommateur final. Or, le fonctionnement occulte de l’État est à la base de la fiabilité et du succès de la rumeur. Elle est à l’information ce que le marché noir est à la contrebande et à la pénurie : le produit ne change pas ; c’est le circuit qui change.
    En usant de rétention et de désinformation, avec la connivence mécanique des médias, le pouvoir a décrédibilisé sa voix et les supports de sa voix, qu’ils soient de nature institutionnelle ou sociale. Les médias officiels et la presse en ont perdu leur crédibilité ; le démenti des autorités et des dirigeants et leur harcèlement judiciaire complète l’œuvre de déconsidération de la fonction informative. Par dissimulation ou par rétention, ils ne se confient qu’à leurs proches. L’information en devient affaire d’initiés, non de procédures, d’institutions et de professionnels. Leurs proches s’en ouvrent à qui ils veulent, histoire de prouver leur proximité de la source.
    Parfois, c’est l’État qui, fuyant la responsabilité de ses actes, agit par “source proche” interposée. Pour ne pas signer leurs actes, des responsables laissent “fuir” l’information au lieu de la proclamer. Ainsi en est-il de la visite de l’islamiste El-Ghannouchi, dont nous ne devons pas savoir qui l’a invité : il est là, en hôte officiel, mais on ignore l’institution qui en a eu l’initiative et le sens de cette visite.
    La rumeur ce n’est pas l’invention de colporteurs de ragots, c’est le fonctionnement d’État qui est à la source du prestige de la rumeur et de sa… crédibilité et de son utilité.
    M. H.
    musthammouche@yahoo.fr