L’esprit des réformes, selon Ould Kablia
Par : Mustapha Hammouche
Dans le discours distribué à la presse, à l’occasion de son récent déplacement à Laghouat, le président de la République déclarait que “la nation arabo-musulmane passe par une dure épreuve” et que “l'Algérie, qui fait partie de ce vaste monde, influe sur les évènements qui surviennent autour d'elle et en subit naturellement l'influence”. Dans cette conjoncture, l’Algérie a choisi de “garantir, selon Bouteflika, un climat propice à des réformes politiques et socioéconomiques pour mieux répondre aux aspirations de la société à des réformes durables”.
Si, dans le discours présidentiel, “les réformes” annoncées le 15 avril s’inscrivent dans un mouvement général d’évolution politique de la région, il n’en est pas de même pour son ministre de l’Intérieur qui, hier, donnait sa propre lecture des évènements qui secouent “la nation arabo-musulmane”. Pour Daho Ould Kablia, de nombreux pays du monde arabe et d'Afrique doivent faire face à l'émergence récente d'un vent d'instabilité “qui, sous le couvert de revendications de plus de démocratie et de droits, somme toute souvent légitimes, dissimule des desseins inavoués pernicieux et met en péril l'existence de nos États et de nos peuples en tant que nations”. Ce “vent d’instabilité”, au lieu de constituer une opportunité d’évolution, “risque, selon le ministre, de compromettre les acquis sociaux, politiques et économiques de nos peuples et de nos citoyens, acquis réalisés au prix de durs sacrifices de la nation entière”.
Devant le comité bilatéral frontalier algéro-nigérien, le ministre, qui parraine le processus d’adoption des “lois de réformes”, met en garde contre “cette situation nouvelle, au danger particulièrement sournois, qui a déjà mis à rude épreuve le devoir national de vigilance de certains pays arabes”. Il appelle, donc, nos voisins du Sud “à plus de solidarité et de concertation pour conjurer la collusion entre ce nouveau défi et les forces du chaos que sont le terrorisme et la criminalité transnationale organisée”.
Voici donc comment le ministre des réformes de la vie politique et associative conçoit le mouvement de revendications politiques qui
traverse notre région : un “vent d’instabilité”, dissimulant, sous la revendication démocratique, “des desseins inavoués pernicieux” qui mettraient en péril l’existence “de nos nations et une situation” au “danger particulièrement sournois”. Il y voit, en plus de “desseins inavoués” et du “danger sournois”, “une collusion entre ce nouveau défi et les forces du chaos que sont le terrorisme et la criminalité transnationale organisée”.
On comprend mieux, à la lecture de l’analyse, que notre ministre de l’Intérieur fait de la conjoncture régionale, l’esprit dans lequel le processus de réformes est conduit. Loin de traduire une compréhension du sens d’un mouvement historique, elles sont conçues comme une riposte contre un péril qui, selon une formule surannée, menace “les acquis des peuples” et l’existence de la nation ! Si, en plus, ce mouvement est de connivence avec le terrorisme et la criminalité organisée, ce n’est pas des réformes qu’il appelle, mais une contre-attaque.
C’est exactement ce qu’ont fait le gouvernement et le Parlement : ils se sont donné un arsenal de contre-offensive à l’endroit de la revendication démocratique.
M. H.
musthammouche@yahoo.fr