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La vie factice de la ligue arabe

 

Par : Mustapha Hammouche

De sommet en sommet, la Ligue arabe expose son inanité. L’opposition, obstinée de la Chine et de la Russie à ce que le traitement appliqué à la Libye soit réitéré en Syrie, a mis fin à la période qatarie inaugurée avec l’insurrection libyenne portée à bout de bras par l’Otan.
Le Qatar et l’Arabie Saoudite ne s’y sont imposés qu’une présence symbolique, prenant acte que leur option pour l’armement de l’opposition syrienne n’aurait pas les faveurs de la réunion de Bagdad. La Ligue arabe est, une nouvelle fois, apparue pour ce qu’elle est : un artefact géopolitique à géométrie variable. Et les rapports de force qui s’y expriment sont le reflet des rapports de forces internationaux dans lesquels les États arabes n’interviennent que comme appendices stratégiques, jamais comme leviers géopolitiques.
La configuration actuelle de la ligue est déterminée par le fait que le monde dit arabe est confronté à la question de son évolution démocratique. Si, objectivement, cette question se pose avec la même pertinence à l’ensemble des États de l’organisation, excepté la Tunisie qui semble en passe de faire le saut démocratique de non-retour et les cas spécifiques de la Palestine et du Liban. Mais subjectivement, les régimes arabes ne se conçoivent pas comme logés à la même enseigne en termes d’âge politique. Il y a ceux qui s’imaginent comme ayant subi la vague du “printemps” et ceux qui la redoutent encore. À côté de cette catégorisation bipolaire, il y a tous ces sultanats et émirats du Golfe qui se croient hors de portée de l’interpellation démocratique parce que l’argent leur permet d’ériger des sociétés féodales où la servitude n’accable que des immigrés et parce que les puissances détentrices de la référence démocratique s’accommodent parfaitement de ce système caractérisé par la stabilité dynastique. Au demeurant, il n’y a plus de quorum citoyen pour craindre ce qui ressemblerait à quelque mouvement populaire. Ces États-bases de vie, convaincus de n’avoir jamais à recourir à la répression massive, faute de masses, se considèrent, dans un contexte de révolte-répression, comme alliés du changement démocratique. Et font la leçon des droits de l’Homme à leurs “frères” dictateurs, eux n’étant que despotes… éclairés aux torchères.
Ils ont besoin de l’Amérique comme l’Amérique a besoin d’eux. Ils jouent donc pour le compte de l’humanisme occidental, et à moindre frais, les ambassadeurs de volonté démocratique en “araberie”.
Les autres, ceux qui sont dans l’inquiétude de soubresauts “printaniers”, font le dos rond quand la Russie et la Chine consentent à se dissoudre dans “la communauté internationale” ou se lèvent quand celles-ci décident de dresser leur propre camp. Cela donne le sommet de Charm El-Cheikh, puis celui de Bagdad, pour ce qui, théoriquement, est le même monde “arabe”.
Du coup, et au lendemain du sommet irakien, ce sont les “Amis de la Syrie”, alliance ad hoc destinée à dépasser le bocage sino-russe du Conseil de sécurité, qui pallient à l’inexistence organique des “frères” de la Syrie. La solidarité de ces régimes ayant été ébranlée parce que certains iront désormais la puiser dans la volonté populaire, la ligue perd même sa finalité syndicale originelle. Elle revient à une existence strictement virtuelle de notre “araberie”, de sommet en sommet.

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