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Voter, pour qui ? Pour quoi ?

 

Par : Mustapha Hammouche

Pour la première fois, le président de la République exprime clairement sa position au sujet de ce qu’il est convenu d’appeler le Printemps arabe. “ce qui se passe aujourd’hui sous le couvert de démocratie et de respect des droits de l’Homme reste sujet à débat. Car la démocratie, comme le développement, ne s’octroie pas comme un don et ne s’importe pas comme une usine clés en main.”
Profitant de la commémoration de la Journée du savoir (Youm el-Ilm) qui, coïncide avec l’anniversaire de l’annonce par Bouteflika de “réformes approfondies”, il lance un véritable appel à la participation, enveloppé dans un éloge inédit du pluralisme et de l’élection. “l’élection doit être exercée en ce qu’elle constitue l’acte démocratique par excellence, l’indicateur de la citoyenneté et du civisme, un engagement national et un acte civilisationnel, enfin un droit et un devoir constitutionnel qu’on ne saurait nullement sous-estimer ou négliger.”
C’est le chef de l’État qui, pendant douze ans, a gelé toute création de parti politique et tout agrément de syndicat autonome, développé toutes formes de pression et de répression contre la presse et s’est agrippé au monopole de l’audiovisuel qui trouve enfin que “le multipartisme, le pluralisme syndical, la liberté de la presse, constitutionnalisés dans notre pays en 1989, ont été une véritable école de formation et d’apprentissage, renouant en cela avec les traditions de pluralité du mouvement national”.
Il trouve même dans cette “réconciliation” de 1989 avec le passé national pluraliste un argument pour le peuple qui doit se détourner de la    “tentation printanière” ou de l’apport de l’appel de quelque “partie étrangère”, ce qui revient au même. “Le peuple algérien (qui), comme tous les peuples sous domination, a appris qu’aucune partie étrangère, aussi démocratique et développée soit-elle, ne lui apportera le développement et la démocratie”.
Maintenant que “l’État a donné toutes les garanties pour des élections libres et transparentes”, Bouteflika met la balle dans le camp des électeurs. Ils auront à mesurer leur citoyenneté à l’aune de leur participation et à mériter, par leur vote, le sacrifice de leurs aînés. “il appartient, donc, aux partis politiques, aux citoyennes et citoyens d’assumer leur rôle et de prendre leurs responsabilités, afin que les sacrifices des femmes et des hommes qui ont lutté pour l’Indépendance et l’intégrité territoriale de ce pays ne soient pas vains, et que ceux qui se sont voués à la défense de sa souveraineté et de son développement puissent avoir leur part de reconnaissance”, dit-il en conclusion de son message.
Voici donc les rôles inversés : l’abstention au scrutin du 10 mai, si elle devait être excessive, exprimera l’insuffisance civique et la carence des partis. Tant pis pour nous : on n’aura pas donné la légitimité nécessaire à “cette haute instance (qui) figurera parmi les grandes institutions de   l’État”.
C’est curieux cette insistance à voter, sur la foi d’une élection transparente, pour des partis sans programmes qui formeront une assemblée à la composition imprévisible, mais dont on sait qu’elle va voter des réformes que les électeurs seuls ignorent !

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