Par : Saïd Chekri
Des enfants postés dangereusement en bordure de route ou d’autoroute pour vendre de la galette aux automobilistes, cela ne choque plus : l’image fait désormais partie du paysage et les Algériens n’y prêtent plus attention. Les autorités non plus. Mais, visiblement, la misère galope. Et quand la misère galope, elle finit par atteindre le seuil de l’intolérable. Les faits rattrapent alors notre indifférence. Et la normalisation de ce qui relève, en réalité, du scandale, est balayée d’un revers de la main.
À l’occasion de ce début de Ramadhan, les Algériens sont conviés à de nouveaux spectacles mettant en scène ces êtres vulnérables que sont les enfants qui, à présent, sont acculés à des activités encore plus dégradantes. Au moment où les pouvoirs publics, par le biais de tout un département ministériel généreusement doté, se vantent de l’attention qu’ils portent aux démunis et de l’importance qu’ils accordent à la solidarité, des enfants tirent derrière eux de lourds chariots, faisant le tour des poubelles dans l’espoir d’y trouver quelque pitance à mettre sur la table, pour eux et leur famille, à l’heure de la rupture du jeûne. Si les pauvres vont aux poubelles avec une telle assiduité, c’est que les riches y jettent beaucoup. Sans doute pour faire de la place dans le frigo.
Dans un pays où la moitié des salariés ne sont pas affiliés à la Sécurité sociale, la protection des enfants qui devrait relever de l’urgence, peut paraître utopique. On nous rétorquera peut-être que cette catégorie d’enfants livrés pieds et poings liés à la misère ne représente qu’une infime minorité. Soit. Mais alors, pourquoi l’État est-il incapable de leur venir en aide puisque, dans ce cas d’espèce, le motif du “poids du nombre” ne peut être invoqué ? On laisse entendre que les failles sont à chercher au niveau des autorités locales. Comme d’habitude, les élus locaux ont bon dos, les ministres, le gouvernement et le président sont irréprochables.
Quand les uns se sustentent grâce au gaspillage des autres, c’est l’Algérie à deux vitesses qui se donne en spectacle. Et cette Algérie là, on ne la doit ni au FMI ni aux élus locaux. Encore moins au Ramadhan.