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Le gaspillage

 

Par : Mustapha Hammouche

Le procédé est élémentaire et rodé : un avant-projet détaillé (APD) très économe en temps et en argent qui, une fois inscrit comme projet d’équipement, sera régulièrement réévalué jusqu’à voir son budget et son délai multipliés par… quatre !
C’est ce qu’illustrent les deux exemples cités par la Cour des comptes dans le rapport d’appréciation sur l’avant-projet de loi portant règlement budgétaire de l’exercice 2010, analysé pour nous par le site tsa-Algérie.com. Le rapport fait référence à deux projets de transfert d’eau potable pour Tissemsilt et pour l’ensemble Mostaganem ? Arzew ? Oran, réalisés par l’Agence nationale des barrages et transferts (ANBT). Le coût du premier projet a été réévalué de 2,5 milliards de dinars initialement à 9 milliards de dinars et son délai de réalisation a comptabilisé quatre années au lieu d’une année ! Le coût du second projet a atteint 23,8 milliards de dinars au lieu des 8 milliards et son délai de réalisation est passé de  22 à 46 mois !
On ne se contente pas de revoir le montant des enveloppes initialement autorisées et des délais de réalisation retenus, on  peut apparemment surseoir à loisir au lancement de projets inscrits dans le programme d’équipement. Le même rapport  note qu’en 2010, pratiquement tous les secteurs comptabilisaient des retards de démarrage des travaux. Certains totalisaient jusqu’à onze (Justice, Agriculture), voire quatorze (Culture) opérations en souffrance.
Ainsi, en plus du fait que les budgets et les délais peuvent ainsi être rallongés à souhait, une certaine nonchalance marque la mise en œuvre de projets qu’on a préalablement pris soin d’inscrire au budget de l’État. Ce fonctionnement défie les fondements même de l’économie : le caractère limité des ressources en capital et la valorisation économique du facteur temps. Toute cette antigestion est censée mettre le “programme de relance de la croissance” qui, avec “la paix revenue”, n’en finit pas de constituer la légitimité du régime.
Dans les faits, la réalité est la suivante : il y a trop d’argent à dépenser et trop de temps à tuer ; l’argent servant à faire durer le plaisir de diriger. Ce n’est plus “le temps, c’est de l’argent”, c’est “l’argent, c’est le temps”. Et l’argent, il y en a tellement que, comme le signale le rapport de la Cour, l’État, par ailleurs si peu entreprenant dans la collecte de l’impôt, abuse dans la dépense fiscale, multiplie les prétextes aux exonérations fiscales, tolère l’économie informelle non imposable et ferme les yeux sur le bannissement du chèque, moyen de traçabilité des flux financiers, dans les opérations commerciales.
Dans le strict souci de durer, le régime sacrifie le développement à la fuite en avant dépensière. Il se contente d’assumer les dérives dépensières en provisionnant, de manière cumulative, les comptes de “rattrapage”. Dès 2009, on prévoyait un montant de 130 milliards de dollars, soit près de la moitié du programme 2010-2014 (286 milliards) pour combler les dépenses induites par les réévaluations de projets et les retards de réalisation.
La conduite approximative du budget national est sans conséquence politique. Elle n’empêche pas le développement, fulgurant celui-là, de “brillantes” carrières politiques. Il n’y a donc pas de raison qu’elle prenne fin.

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