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Le DRS, cet arbre qui cache… le fiasco d’une génération

 

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  Zehira HOUFANI BERFAS

Si le DRS[1] n’existait plus, beaucoup d’Algériens s’échineraient à le réinventer. Et pour cause, la situation profite à bien des gens. En premier lieu, les affiliés du pouvoir qui jouissent des privilèges de la rente et qui feraient tout pour que rien ne change. En second lieu, ce qui reste de l’« élite » du peuple qui peut d’une certaine façon s’en laver les mains de la situation de l’Algérie, et ainsi occulter une évidence fort dérangeante : son incapacité politique et intellectuelle à assumer les défis de ce grand pays et de son histoire.

 

À l’année longue, que ce soit au sommet de l’échelle socio-politique et intellectuelle, ou à la base du citoyen lambda, la référence à la tyrannie du DRS modèle les comportements et le langage des gens. On soutient que le DRS est à la fois capable et responsable de tous les revers qui affectent le pays. De la plus petite corruption de l’agent communal, au choix du chef de l’État. On comprend bien qu’entre l’extrémité de ces deux exemples, c’est toute une culture de gaspillage et de violation des lois qui s’est instaurée et dont le résultat s’affiche à travers l’état de déliquescence général de la société. Et bien sûr, qui dit déliquescence de la société dit aussi saccage du pays, comme en témoignent les places le plus souvent dégradantes qu’occupe l’Algérie dans les classements mondiaux, et ce dans divers domaines de la vie nationale rongée par l’incompétence et une corruption endémique.

 

C’est avec cette image peu flatteuse de 2012, boursouflée de plaies sociales et alourdie de multiples déficits, que notre pays s’apprête à franchir la nouvelle année 2013. D’ores et déjà, une chose est presque sûre, le DRS sera encore de la partie pour justifier la poursuite du désordre, et suppléer aussi bien l’incompétence des gouvernants que les incommensurables failles de la classe politique et intellectuelle nationale. Des failles qui seront occultées par la peur du DRS, qu’on décrit tel un phare, dont le faisceau lumineux traque impitoyablement tout mouvement citoyen soucieux de l’intérêt du pays. Il y a tant de discours sur sa tyrannie qu’on s’interroge sur cette toute puissance qu’on lui prête pour paralyser un pays de 36 millions d’habitants. À juste titre.

 

Certes, la réputation de nos services de renseignement (DRS-SM) est une des pires au monde, mais elle ne peut justifier à elle seule l’état des choses en Algérie. Aujourd’hui, la fragmentation du pouvoir, l’éveil des populations (surtout les jeunes), la circulation de l’information dans le nouveau contexte international, sont autant de facteurs qui affectent le potentiel répressif du DRS, tel qu’on le conçoit. Comme l’atteste d’ailleurs l’anarchie dans laquelle baigne le pays depuis des décennies malgré les discours d’assainissement que s’empresse de réchauffer chaque « nouveau » gouvernement.

 

À y regarder de près, le DRS semble s’être métamorphosé en une constellation d’intérêts, formant une secte politico-affairiste que la majorité dénonce, tandis que la minorité qui s’en nourrit, protège de toutes ses forces. Les adeptes de cette dernière forment autour des « décideurs » une impressionnante foule, où se côtoient élus, ministres, généraux, importateurs, représentants des classes politiques, médiatiques, bref, tous les affiliés du système unis par les liens de la rente et ce qu’elle génère comme avantages et corruption. Ils sont le véritable carburant du système pour ne pas dire son âme. L’ex. P.M. Sid-Ahmed Ghozali « estime leur nombre à quelques 2 millions d’Algériens » et parle d’un «parti clandestin » au service du système, sans autre religion, ni idéologie que celle du profit et des privilèges. Les partisans du changement politique ont donc affaire à cette caste au pouvoir fondamentalement opposée à l’avènement d’un État de droit qui mettrait en péril ses intérêts. D’où son acharnement à maintenir le statu quo, d’une part, en entretenant l’agitation d’une scène politique stérile, et d’autre part, en usant de l’épouvante du DRS qui a toujours hanté les gens et neutralisé leur volonté de changement.

 

Quand chacun prendra conscience que cette caste, imputable du chaos socio-économique et politique du pays, ne jouit plus d’impunité pour sévir comme elle le faisait par le passé, et qu’elle doit sa survie au « consentement » de la majorité, alors, le DRS sera chose du passé, au grand dam de tous ceux qui en profitent ou s’y abritent. D’ici là, le fiasco de la génération de l’indépendance, qui a inscrit l’Algérie dans les pires registres de la gouvernance, se poursuit au rythme de la dilapidation des richesses nationales, et du désarroi de plus en plus profond d’une société en mal d’idéal et de fierté.

 

Zehira Houfani Berfas,

écrivaine

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