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Santé : les parrains croque-morts

Par Le Matin 

 

"L’enfant était malade dès sa naissance, frappé d’une maladie héréditaire dont seulement se débarrasser les hommes les plus vitaux ; je veux dire la pauvreté, la plus mortelle et la plus impérieuse des maladies." (1)

 

L'hîôpital Mustapha Pacha L'hîôpital Mustapha Pacha

 

La maladie est donc multiple chez l’enfant algérien pauvre et cancéreux. La santé en Algérie c’est du Val de Grace au coup de grâce, tout le monde fait avec, du mektoub doublement «gracié». Certes la priorité aujourd’hui n’est pas aux malades abandonnés à leur sort mais au gaz de schiste et à aux avions françaises survolant le territoire national. A part quelques brebis galeuses comme le professeur Kamel Bouzidi (2) : "Nos cancéreux méritent bien une opération "Oum Dorman" …leur traitement passerait bien avant une énième "ville capitale de la culture arabe"… Le transfert de 20000 malades est possible dans la mesure où 40000 hadjs sont transportés chaque année, etc. Ce toubib-martien oublie que les moyens d’un Etat ne font pas forcement sa volonté. Qui se souvient de son confrère qui avait lancé un cri de détresse il y a quelques années au sujet de ces nouveau-nés privés de vaccins et une décennie plus tôt, un autre médecin prédisant une bombe nommé sida. C’est vrai qu’on a complètement oublié cette maladie tabou et si l’explosion a eu lieu, le truc est tout trouvé : les statistiques qui fâchent n’existent pas. Monsieur Bouzidi comme tous les "Zorros" qui se comptent sur les doigts d’une seule main finiront par se taire de gré ou de force et rejoindre le troupeau. Car que valent ces milliers de cancéreux, rien, sociologiquement parlant c’est du vent. Lorsqu’on sait qu’un malade chez nous a, au moins, 10 membres dans son proche entourage familial, 200000 personnes dans la rue après l’effervescence du printemps arabe aurait fait basculer la balance. Mais l’Algérie, c’est l’exception qui ne confirme aucune règle. Avant de prendre le pouvoir, les islamistes égyptiens avaient construit pas moins de 40 hôpitaux pour les pauvres ; Kadhafi avait doté les hôpitaux de Benghazi, la ville qui a causé sa perte, de médecins français et d’infermières de l’Europe de l’Est ; en Tunisie, il suffit de constater que les millions de touristes qui viennent passer leurs vacances ne craignent pas de tomber malade et que dire de Cuba mise hors-jeu des Nations depuis plus d’un demi-siècle et qui s’offre le luxe de soigner le cancer du Président du Venezuela ? 

 

Chez nous le cancer explose à cause de la malbouffe de la pollution de la mal-vie mais avec un dénominateur commun, la corruption. La prise en charge d’un cancéreux coûte cher et nos décideurs ont décidé une fois pour toute que le meilleur traitement donné au citoyen x c’est de le laisser mourir dans son lit et de profiter de sa mort. Partout les mêmes causes accouchent des mêmes maux et les ethnologues l’affirment tous les peuples se valent dans leur comportement. Si les choses avaient évolué normalement, les Algériens n’auraient jamais connu le terrorisme car pour transformer des milliers de jeunes en tueurs en série il faut vraiment avoir tout bousillé tout pourri dans les institutions phares d’un pays : la santé et l’école. La corruption dans le domaine de la santé se traduit automatiquement par des morts surtout celle des plus vulnérables : les bébés les enfants les femmes enceintes les handicapés les vieux. Mais malheureusement c’est là où elle est la plus rentable car pour tout être humain, la santé n’a pas de prix. Pour se soigner les gens n’hésitent devant aucun sacrifice. Là où le serment d’Hippocrate est censé régner, il n’y a pas seulement des dépassements d’honoraires des prestations qui ruinent le patient le transforme en mendiant le condamne à mourir faute de flous par millions de centimes. Ajoutant la bête, les parrains de l’horreur, des vampires qui ont détruit le système de santé algérien. Dans son livre sur la corruption (3) chapitre la mafia de la santé, le médecin-journaliste Djillali Hadjadj écrit : "…le code de la santé est modifié en février 1988, autorisant l’ouverture de cliniques privées, au moment où la Sécurité sociale commence à battre de l’aile et alors que le pouvoir d’achat des Algériens s’effondre." L’année 1990 est le début de la reprise des épidémies et des obstacles à l’accès aux soins. La libération de l’économie bouleverse le système de soins : la logique marchande introduit la notion du profit tous azimuts, tant au niveau de l’offre de soins que du médicament et des équipements médicaux. Cela se traduit en l’espace de quelques années seulement, de 1994 à 1998, par la détérioration des indicateurs de santé de base et l’apparition d’importantes inégalités sociales...

 

"C’est dans ce contexte que les réseaux de la corruption ont tissé leur toile…ne reculèrent devant rien… "encouragés" par les multiples complicités dont ils disposent dans les rouages de l’Etat." Il évoque l’affaire des scanners, 40 millions de francs gaspillés alors que des enfants et adultes mourraient faute de vaccins contre la diphtérie la rougeole. Il parle aussi de la corruption dans les hôpitaux. "Comme les chefs agissaient en toute impunité, les vols se généralisaient dans les hôpitaux. Même les produits alimentaires destinés aux malades disparaissaient… Dans des situations pareilles, il est impossible que s’établisse une relation d’autorité. Tout le monde se tient par la barbichette… Ces directeurs brassent, bon an mal an, des dizaines de milliards de centimes…Sur près de 2000 cadres du secteur public en détention provisoire à la suite de la "campagne officielle de lutte contre la corruption" menée par le gouvernement algérien de 1996 à 1998, il n’y a pas un directeur d’hôpital.» Il parle des détournements plus lourds comme les équipements, le scandale du NIPA (nouvel institut Pasteur) dans le but de produire sérums et vaccins, 1,2 milliard de francs partis en fumée sans oublier le trafic du médicament qui rapporte à la mafia une manne annuelle de près de 500 millions de dollars alors que de nombreuses études faites par l’OMS et des spécialistes célèbres, ont démontré qu’avec 200 millions de dollars et une politique pharmaceutique fiable, l’Algérie pourrait satisfaire pleinement ses besoins. Hadjadj ajoute que l’Algérie est le seul pays au monde qui négocie pas le prix des produits pharmaceutiques mais on le rassure maintenant elle a fait des progrès. Elle a appris à marchander puisqu’il lui arrive d’acheter à petits prix des médicaments pour les brûler par tonnes et pour cause, périmés à peine déchargés. A défaut de servir à guérir ils polluent à merveille au grand bonheur de la mafia-santé. Ajoutons à cette liste loin d’être exhaustive les aides de l’Unicef l’OMS, etc qui n’ont jamais profité aux malades. Djillali affirme que même quand les caisses d’un hôpital sont vides, certains malins détournent à crédit. Nous sommes en ce début de l’année 2013, l’Etat n’a aucune dette elle prête au FMI, un FMI qui sans honte demande de l’argent à un pays mis à l’index dans tous les classements internationaux. Et l’habitude aidant, on ne s’étonne plus d’enterrer à la pelle nos cancéreux nos cardiaques nos diabétiques nos handicapés nos malades mentaux nos malades épidémiques, de batailler pour vacciner nos enfants, de prier toujours prier un ciel désespérément silencieux. Germaine Tillion en visitant un village des Aurès en 1936 raconte une société "équilibrée et heureuse dans sa tranquillité ancestrale".

 

Avant toute œuvre civilisatrice coloniale avant toute œuvre révolutionnaire des frères et le mirage de l’or noir, le douar de nos ancêtres se suffisait à lui-même avec ses marabouts ses talebs ses guérisseurs malgré le paludisme le typhus la famine, des maux en somme naturels. Aujourd’hui la baraka ancienne a disparu avec ses plantes médicinales ses toubibs bio et on ne voit pas la couleur de la rente mirifique du pétrole. Existe-t-elle vraiment ? N’a-t-elle pas disparue éparpillée dans des numéros de comptes spéciaux avec la complicité d’escrocs étrangers ? Qui peut nous répondre ? Ces guignols qui viennent selon l’humeur le climat du moment nous ânonner pour la millième fois à travers leurs medias leurs sempiternelles promesses qu’ils savent ne jamais tenir face à une masse qui pèse zéro face à leurs intérêts ? Est-ce ces quelques voix qui se lèvent dans la presse, facebook... sensibilisées par le désespoir d’un peuple piégé tel un animal blessé par le fusil d’un psychopathe. Freud affirme : "A la fin on doit commencer à aimer pour ne pas tomber malade." En 62, on a commencé à les aimer et on a fini malade vomissant amour et haine. Ils partiront un jour quand il n’y a plus rien à gratter plus de goutte de sang à happer immensément riches pour plusieurs générations mais complètement fous (puisqu’ils sont déjà atteints) condamnés à aller d’un bunker à un autre ici et ailleurs. "Je ne sais pas ce que peut être la conscience d’une canaille, mais je sais ce qu’est la conscience d’un honnête homme : c’est effrayant."

 

Mimi Massiva

 

(1) Eugène O’Neill (Brouillard)

 

(2) Liberté du 15/01/2013 (M.H.)

 

(3) Corruption et Démocratie en Algérie, nouvelle édition (Djillali Hadjadj)

 

(4) Abel Hermant (Le Bourgeois)

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