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LES MOINES DE TIBHIRINE La contre-enquête qui dérange


Par Hassane Zerrouky
Hormis Marianne, le documentaire réalisé par Malik Aït Ouadia et Séverine Labat, qui sera diffusé le 23 mai à minuit, qui n’est pas une heure de grande écoute, n’a pas été très médiatisé en France. La raison, on s’en doute, est que ce documentaire va à l’encontre de la thèse couramment admise d’un assassinat programmé des moines par un GIA dirigé par Djamal Zitouni, qui était manipulé par les services quand il n’était pas accusé (sans preuve) d’être leur agent. Cette thèse de la manipulation du GIA ou de son infiltration par les services algériens, a prévalu (et prévaut encore) dans les médias français, du moins dans leur quasi-majorité. Quiconque osait développer le contraire était aussitôt catalogué d’agent des services algériens. Didier Contant en avait fait la tragique expérience : poussé au suicide. Pourtant, bien avant la sortie de ce documentaire, l’enlèvement des moines avait été légitimé (et béni) à partir de Londres par les futurs chefs idéologiques d’Al Qaïda, l’Egyptien Mustapha Kamal dit Abou Hmaza, dit le borgne et le Jordano-palestinien Abou Qotada. Ce dernier avait même légitimé religieusement les massacres de civils perpétrés par le GIA. En Algérie, plusieurs chefs islamistes dont Benhadjar, Kartali, Hattab, le futur fondateur du GSPC, n’avaient pas attendu la concorde dite civile et l’amnistie dont ils ont bénéficié début de l’année 2000, pour exprimer leurs désaccords avec Djamel Zitouni. A cette époque, en 1996, le GIA était le théâtre de règlements de comptes internes sanglants entre Djamel Zitouni et ses rivaux au sein du GIA et de l’AIS pour le contrôle de la nébuleuse djihadiste : Mohamed Saïd, le guide spirituel du GIA, qui militait pour la fusion entre l’AIS et le GIA, en fut la principale victime. Zitouni, qui aspirait alors à prendre la tête de toute la mouvance djihadiste algérienne, s’était heurté à la plupart des dirigeants islamistes. En mai 1996, près de 5 mois après l’élection de Liamine Zeroual à la tête de l’Etat, élection qui avait mis fin à l’isolement diplomatique de l’Algérie, saluée par l’ensemble des capitales occidentales et reconnue y compris par Rabah Kébir, le dirigeant de l’instance exécutive du FIS à l’étranger, les autorités algériennes – n’oublions pas que Zeroual était le candidat de l’armée – les militaires, qui détenaient la réalité du pouvoir, n’avaient pas besoin de monter cette affaire des moines pour s’attirer le soutien occidental. D’autant que ce rapt intervenait en plein dialogue national entre Liamine Zeroual et l’ensemble de la classe politique sur le projet de Constitution et l’organisation des élections législatives – les premières après l’interruption du processus électoral de 1992. Et de surcroît, au moment où l’Algérie avait besoin d’argent – n’oublions pas que le FMI lui avait imposé un sévère plan de rigueur. Qui plus est, l’année 1996 est celle du début du déclin militaire de l’islamisme armé. Par conséquent, la thèse d’un rapt organisé par les militaires pour se faire légitimer à l’étranger ne tenait pas la route ! En revanche, cette tragique affaire avait fait énormément de tort à la reconstruction de l’image de l’Algérie sur le plan international. En organisant cet enlèvement, Djamel Zitouni visait deux objectifs : un, torpiller le processus constitutionnel que mettait en œuvre Liamine Zeroual soutenu par les militaires ; deux, se relégitimer au sein de la mouvance islamiste nationale et transnationale en se donnant une stature internationale puisqu’il voulait négocier directement avec le président Chirac. La principale critique sur le traitement de cette affaire des moines de Tibhirine, c’est que les thèses développées sont pratiquement décontex-tualisées. A aucun moment, on ne rappelle le contexte politique dans lequel avait eu lieu cet enlèvement et l’assassinat sauvage des sept religieux. Souvent, c’est la vision policière où tout n’est que manipulation par les services comme si la manipulation ne pouvait être également le fait des islamistes !
H. Z.

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