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La crise égyptienne et l’ahurissement démocratique

 

Par : Mustapha Hammouche

La “communauté internationale” et les “démocrates” sont comme sidérés devant les évènements d’Égypte. Pourtant, au commencement, il y a eu un “coup d’État” qu’ils n’ont pas spontanément condamné, tant le pouvoir élu des Frères musulmans avait fait la démonstration de son incompétence, de la nature sectaire de son idéologie et de la violence de ses méthodes. C’est donc tout naturellement que le monde a fermé les yeux, et parfois approuvé, quand, répondant à la demande populaire massivement exprimée, l’armée égyptienne a déposé le président Morsi.
Mais, voilà, les Frères musulmans ne pouvaient se résoudre à prendre simplement acte de la révocation populaire. D’autant que la règle démocratique tranche en leur faveur : ils avaient un mandat légal à accomplir.
Et devant un tel argument, les démocrates traditionnels sont désarmés ! De bonne ou de mauvaise foi, de bon gré ou contraints, ils s’y plient, surtout que les “victimes” ont choisi de pousser l’armée à la répression. Les démocrates politiques, États, partis et personnalités, pour ne pas se retrouver dans la tranchée d’une armée qui tire sur des manifestants, retournent se cacher derrière les fondamentaux d’une démocratie désincarnée : ils interpellent, condamnent et sanctionnent. On ne sait plus trop si c’est le putsch qu’ils condamnent ou la gestion de l’après-putsch. Oublié d’ailleurs que l’armée a transformé une demande populaire — probablement par opportunisme politique — de mettre fin à une année de répression de la liberté culturelle et de la liberté de culte, de régression économique, d’insouciance sociale, de pouvoir personnel et la perspective d’une Constitution fascisante en préparation. Et pas le temps d’observer que certains d’entre eux aient usé d’armes à feu, incendié des églises et des institutions ou de trouver des circonstances atténuantes à la brutalité de la répression.
L’armée égyptienne, nonobstant ses éventuelles arrière-pensées hégémoniques, devra donc se résoudre à aller au bout de son initiative, mais dans la solitude. Surtout si les islamistes optent pour le terrorisme et qu’elle doive le réprimer dans la durée.
Revoilà l’Égypte renvoyée au tête-à-tête qui, depuis près d’un siècle, piège les pays à majorité musulmane : celui qui met face à face les forces détentrices de la violence légitime, qu’elle soit au service de la défense de la patrie ou au service de la défense des commandements de Dieu. Et cela n’aura été possible que parce que les régimes dépositaires des souverainetés postcoloniales ont refusé à leur peuple la liberté politique pour laquelle ils ont lutté ! Ils avaient les armes pour imposer leur “légitimité” politique ; de plus malins ont inventé la légitimité religieuse qu’ils ont fini par prescrire comme légitimité absolue.
L’identité religieuse tend à supplanter l’identité nationale. La démocratie qui, hier, menaçait la dictature, menace aujourd’hui l’intégrisme.
Désormais, alors que les sociétés crient leur envie de liberté, les armées sont écartelées entre des dictatures finissantes, la régression islamiste et l’espérance démocratique. La résolution parfois sanglante de cette forme de crise fait peur aux démocrates locaux et étrangers. De crainte d’être éclaboussés, ils se réfugient alors dans le renoncement. Qu’ils élèvent au rang de principe démocratique.

M. H.
musthammouche@yahoo.fr

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