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  • Les étrangers, c’est nous !

     

     

    Par : Mustapha Hammouche

    Le ministre des Affaires religieuses a officiellement mis “en garde la société algérienne contre les fatwas promulguées par des ulémas et imams non algériens”, celles-ci “pouvant altérer l’intérêt suprême du pays et son intégrité religieuse”.
    On ne peut pas s’adonner à cette mystification qui fait de nous une simple partie de la grande masse arabo-musulmane transfrontalière et homogène, la oumma, et, ensuite, dénoncer comme “étrangers” des imams issus de cette oumma “une et indivisible” ! N’est-ce pas en application de ce saint principe que l’État algérien, son président et son ministre du culte ont, par tant d’honneurs et d’empressements, élevé El- Qaradaoui au-dessus de la masse d’imams ordinaires locaux ? Ce n’est pas bien de traiter d’étrangers vos invités de marque. Juste parce que vos positions… politiques sur la Syrie ont divergé ? D’ailleurs, dans l’affaire, ce n’est pas El-Qaradaoui qui a changé : apôtre de la violence intégriste, il était, apôtre de la violence intégriste, il reste.
    L’hommage de la République aux missionnaires de l’idéologie de la haine de l’autre a conduit à ceci : pour ne plus être “l’autre”, “l’étranger” à la oumma, ils doivent abandonner leur religion pour celle du “vrai” musulman, leur pantalon pour le qamis, leur haïk pour le niqab, leur langue pour celle du “vrai” musulman. Nos jeunes, convaincus par les imams auxquels leur État les a livrés, que ce sont eux les “étrangers” à la oumma, tentent de se racheter une appartenance en s’engageant dans les légions “islamiques” et en se portant aux premières lignes de toutes les entreprises terroristes.  
    Dans ce mouvement, séculaire, de soumission à la volonté de nos tuteurs identitaires, ce sont nos dirigeants qui prennent la tête du cortège de convertis : voyez comment le ministère de l’Intérieur s’investit dans ce combat contre la réhabilitation des prénoms amazighs, c’est-à-dire des prénoms puisés dans la filiation millénaire des Algériens !
    À la vérité, sans la connivence originelle de Messali Hadj et de ses héritiers du mouvement national avec le nationalisme arabe de Chakib Arslan, l’Algérie aurait pu connaître une trajectoire balisée par les notions de modernité, de république et de rationalité. Le développement et les libertés seraient les véritables finalités de l’Algérie indépendante. Plutôt que les retrouvailles avec la mythique oumma.
    Ce qui dérange en fait Ghlamallah, ce n’est pas que ces imams soient étrangers ; c’est que “ses” imams ne se font pas tous les interprètes fidèles de la “pensée” du régime. Les plus fidèles sont dépassés par l’agressivité des imams “incontrôlés”. Même promus au grade de “cadres supérieurs”, le pouvoir n’arrive pas à en faire l’armée de commissaires politiques qu’il voulait monter.
    Quand on a été tenté par la manipulation des consciences et qu’on s’est compromis dans l’usage politique de la religion, il n’y a qu’une manière de stopper la dérive historique : restituer au citoyen sa liberté de pensée, en réformant l’école dans le sens de l’apprentissage du raisonnement, en réhabilitant la philosophie et les sciences humaines dans l’enseignement et banaliser la liberté de conscience et de culte en délivrant l’Algérien de la terreur de l’intégrisme que les forces obscurantistes — et le pouvoir — diffusent dans la société.


    M. H.
    musthammouche@yahoo.f