Par : Mustapha Hammouche
Les confrères “sources”, qui nous promenaient depuis le début du ramadhan avec l’édition 2012 des cycles annuels d’audition de ministres par le président, doivent une explication à leurs lecteurs. À une dizaine de jours de la fin du mois de jeûne, le rituel de ces fictives séances de travail semble, cette fois-ci, compromis.
Il serait intéressant de savoir s’il s’agit d’une annulation imprévue d’activité officielle ou si c’est l’annonce elle-même qui relève de messages tendancieux des fameuses “sources”.
La presse a la responsabilité de la véracité des informations qu’elle répercute et perdrait en crédibilité — elle en a déjà pas mal perdue ces dernières années — en se dérobant aux conséquences de ces fausses nouvelles. En se prêtant à la communication par procuration de “milieux” qui veulent influer sur la formation de l’opinion publique, les journaux et journalistes partagent avec eux la responsabilité de cette manipulation.
Le minimum de respect pour le lecteur impose que l’opération ne s’arrête pas au matraquage médiatique au sujet d’un événement hypothétique ; celui-ci est en droit de savoir pourquoi cet événement, annoncé avec les détails qui ne laissent pas de doute sur son imminence, s’avère n’être qu’une fausse nouvelle, voire une mystification.
La pratique s’est banalisée jusqu’à modifier la fonction de la presse privée : en échange du “privilège” d’accéder à la “source”, le journaliste participe à la confection d’un menu d’information de complaisance dans sa rédaction. Le journaliste “sourcé” en devient un simple intermédiaire, passif, entre la source, active, et ses lecteurs. Et son journal se transforme, partiellement au moins, en support de propagande dont il ne maîtrise ni l’opportunité ni la finalité. Les institutions et autorités qui ont encore de l’estime pour la mission d’information et qui ne sont pas encore tentées par les procédés manipulatoires sont sanctionnées : la médiatisation de leurs activités n’est qu’occasionnellement prise en charge par une presse coincée entre les empressements du monde des affaires et l’influence des milieux institutionnels.
Elle parle finalement de ce dont on veut bien qu’elle parle. Ainsi, les journaux annoncaient à cor et à cri le Conseil du gouvernement du 1er août, détaillant son ordre du jour qui aurait dû porter sur l’amendement de la loi sur les hydrocarbures et la loi de Finances pour 2013, mais une fois la réunion tenue, point de compte rendu. Il faut respecter la volonté de la révision constitutionnelle de 2008 aux termes de laquelle le gouvernement n’existe plus. Pourquoi, dans ce cas-ci, les “sources” n’ont-elles pas pallié l’absence de communiqués officiels que le Conseil du gouvernement n’a plus le droit d’émettre ? Celui-ci, réduit, en effet, à une réunion de coordination, n’a pas de fonction constitutionnelle.
Cette démarche prédictive fait que, désormais, on sait tout sur ce qui va se faire, et même ce qui ne se fera pas, mais on ne sait rien sur ce qui se fait ou ne se fait pas effectivement !
La presse “indépendante” est ainsi devenue l’instrument premier d’une vie publique fictive. Et, donc, le principal écran jeté sur la vie, l’activité et, dans notre cas, sur l’inactivité publique réelle.