Le Premier ministre a procédé, en avril dernier et de la manière la plus discrète, à la dissolution d’un corps de «police» tout aussi discret appelé Centre opérationnel d’aide à la décision (Conad).
Ce corps, dont on ignore qui est le directeur et encore moins quelles ont été ses missions depuis sa création, en 2003, pour être placé sous le contrôle du ministère de l’Intérieur, s’en va comme il est arrivé, dans l’opacité la plus totale.
Les institutions de la République, comme l’Assemblée nationale, n’ont été associées ni à la décision de sa création ni à celle de sa dissolution et encore moins à savoir ce qu’il a bien pu faire en dix années d’existence.
«Cette manière de faire renvoie à la façon avec laquelle ce pays est géré, dans l’opacité. L’Algérie est gérée en dehors des dois de la République et des institutions», estime Mostefa Bouchachi, député FFS et ancien président de la Ligue de défense des droits de l’homme (Laddh). Notre interlocuteur s’insurge contre cet état de fait : «Les Algériens, ou la plupart d’entre eux, ignoraient l’existence d’une telle structure et il n’y a pas eu de débat dans les institutions à ce sujet. Il est inacceptable que les décisions qui concernent l’Algérie et les Algériens continuent à être prises en dehors des institutions.» Le justiciable, qui peut être victime des agissements d’une telle police, ne sait même pas à qui elle appartient ni par qui elle est dirigée. Il lui est donc difficile d’identifier ses agresseurs en cas d’atteinte à son intégrité physique ou morale.
Pour Boudjemaâ Ghechir, président de la Ligue des droits de l’homme (LADH), cette dissolution est une «bonne chose». «La dissolution de tout service de renseignement et d’enquête est une bonne chose. On estime, au niveau de notre ligue, qu’il faut réduire au maximum ces services qui sont tout le temps derrière les citoyens à essayer de tout savoir sur eux. Les citoyens doivent bénéficier de toute liberté d’être et d’agir et de toute la protection de leur vie politique, sociale, etc.» Et M. Ghechir d’ajouter : «Si chaque ministre créait son propre service de renseignement et de contrôle sur les citoyens, ce serait une catastrophe.
Nous l’avons vu de par le monde, une situation pareille engendre fatalement une guerre des services. Il est préférable de centraliser ces services en une seule structure qui devra travailler dans la transparence, la légalité et le strict respect de la Constitution et des lois de la République.» Notre interlocuteur estime que sa dissolution, d’ailleurs, n’obéit pas à une volonté de faire respecter les lois de la République mais de neutraliser un corps appartenant à un clan. «Je ne crois pas que l’intérêt du citoyen ait primé dans ce choix de dissolution, mais reflète plutôt une guerre des services», note-t-il.
Le vice-président de la Laddh, Kamel Daoud, dénonce pour sa part l’absence de communication fiable : «On ne sait rien de cette structure, a-t-elle été mise en place ? A-t-elle exercé ? Si elle est aujourd’hui dissoute, a-t-elle été opérationnelle et comment ? On est dans le flou absolu.» Et de noter, à la question de savoir s’il s’agit d’une police parallèle : «Mais la police parallèle, il n’y a que ça en Algérie. Même la police officielle est entre les mains de la police parallèle.» Kamel Daoud affirme en outre qu’«avec cette histoire, on est dans le cirage absolu et en pleine manipulation. Qu’ils nous disent alors comment va le président de la République !» Et d’enchaîner : «On est dans une situation de déni des droits de l’homme, à commencer par le droit à l’information.»