Jusqu’ici, les rapports politiques et la coopération entre États arabes sont, depuis toujours, réduits à leur plus simple expression. La Ligue arabe n’a constitué qu’un cadre de recours solidaire pour contrer l’isolement politique de l’un des régimes membres. Un syndicat d’autocrates contre des agressions externes et des remises en cause internes.
La cause palestinienne, élargie au statut de cause arabe, sert, depuis la création du syndicat, de fondement à la stratégie victimaire de défense de nos despotes. Toute atteinte à l’ordre établi dans un état arabe constitue une contribution à l’affaiblissement du front arabe antisioniste et une trahison de la cause commune. Tant qu’il y a la question palestinienne, il n’y a pas de question politique arabe. Les pétrodollars font le reste quand c’est nécessaire.
Surpris par les tournures prises par les révoltes des jeunes Tunisiens et égyptiens, les régimes arabes se démarquent des “mauvais exemples” tunisien et égyptien, tout en rivalisant d’imagination pour surfer sur la vague contestataire qui risque de les emporter tous.
Il faut d’abord commencer par soutenir les dictateurs libyen et yéménite, le premier donnant le bon exemple de résistance à une ingérence étrangère pourtant rendue possible par le quitus de la Ligue arabe, et le second, modèle de résistance durable à la contestation.
Il faut, ensuite, fermer les yeux sur le massacre à huis clos des manifestants syriens, en comptant sur la Russie pour le préserver d’éventuelles sanctions internationales.
Mais si la riposte à la demande populaire de changement n’est pas formellement concertée, on peut tout de même observer une identité de réaction aux soulèvements contre leur perpétuel empire. D’abord, la réaction répressive spontanée, ensuite l’organisation de contre-manifestations brutales. Si la brutalité des policiers et des baltaguia ne suffit pas à étouffer la révolte, dans le sang si nécessaire, nos dictateurs passent aux promesses sociales et les tiennent parfois quand ils disposent des ressources suffisantes. Si les promesses restent sans effet, ils cèdent enfin sur le thème des “réformes politiques”. C’est ce que font les régimes marocain et algérien. Si le voisin de l’Ouest en est déjà à dévoiler une grossière mouture de la réforme constitutionnelle, notre pouvoir prend tout son temps pour consulter tout ce qui est en droit d’avoir un avis et de le donner, quitte à réveiller des esprits qui avaient oublié de se faire une idée sur l’état du pays.
Le roi, pour mettre fin à une contestation finalement difficile à satisfaire, vient de reprendre à son compte, après l’Algérie, l’invention égyptienne des baltaguia. Ceux-ci, dans leur version marocaine, sont sortis sévir contre les manifestants qui, avant-hier, demandaient plus de réformes au souverain. En dehors de l’establishment politique, les propositions de Mohammed VI n’ont pas suscité un accueil unanime, mais ils posent déjà problème à nos “réformateurs”. Recevant plutôt le genre d’invités qui se soucient de l’avenir des anciens du FIS, personne n’a encore proposé à Bensalah l’officialisation de tamazight ou la saisine citoyenne du Conseil constitutionnel, mais le “réformateur” national aura de la peine à assumer de rester en deçà du repère marocain. Après les deux prochains référendums tunisien et marocain, l’Algérie risque de faire bientôt figure de dictature résiduelle.
M. H.
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