Alger, capitale urbaine
Par : Mustapha Hammouche
L’opération de ravalement des façades sur les grandes artères du centre d’Alger se poursuit. C’est toujours réjouissant de voir qu’un chantier de la capitale n’est pas encore interrompu. Mais, après les effets de cette dernière journée de pluie, on peut se demander si c’est vraiment par les façades qu’il fallait commencer.
Quand il pleut, Alger semble posée à même un sol tassé, sans aménagement de drainage. Elle surnage, pendant que ses automobilistes et piétons barbotent à travers des torrents et des mares qui se forment dès les premières averses. Il y a quelques jours à peine, le wali d’Alger exposait son plan de développement urbain, ravivant l’espoir qu’enfin la ville sera progressivement dotée des structures, des espaces et de l’organisation urbaine digne d’une grande cité méditerranéenne et qu’elle recouvre son attrait, sa fonctionnalité et sa convivialité. Mais à la première intempérie, se pose la question de savoir si son déficit d’aménagement actuel n’hypothèque pas déjà son développement. En principe, l’aménagement précède la construction. Et Alger souffre de deux tares fondamentales : elle n’est pas aménagée pour faciliter la circulation, en sous-sol, des eaux de pluie et peut-être des eaux usées ; elle n’est pas aménagée en surface pour permettre une fluidité de la circulation des hommes et des véhicules. C’est là le résultat de plusieurs années de désinvolture urbanistique et de déficit d’entretien de réseaux d’assainissement. Si la partie visible de cet état d’abandon, les façades, a fini par susciter l’intervention des pouvoirs publics, les lendemains d’orages font penser qu’il n’en a pas été de même pour la partie souterraine du problème.
L’extension de la capitale, par allocations et lotissements successifs de terrains à bâtir, s’est faite sans projection cohérente de l’ensemble urbain. La voirie même semble être le résultat de plans de lotissement et d’aménagement d’ensembles habitables qui se sont ajoutés les uns aux autres dans un processus d’extension qui s’est réalisé au fil des initiatives.
Et comme, faute de planification urbaine, chaque projet s’ajoute à un fait accompli qui l’a précédé et ignore la nature des intentions ultérieures, aucun espace “aménagé” ne tient compte de l’espace voisin. Ce qui est valable pour l’aspect urbain l’est certainement pour l’aspect assainissement. L’immense espace “urbain” de la capitale est constitué d’une multitude d’espaces qui se sont toujours ignorés. Mais une ville n’est pas la somme de cités accumulées dans le temps. Ni le Alger historique ni ses excroissances post-Indépendance ne sont indemnes des errements d’une croissance qui se résume en un amoncellement de cités et d’infrastructures qui relèvent d’initiatives à courte vue, voire d’initiatives d’urgence. Certes, la pression permanente de la question du logement n’a pas toujours autorisé les délais de maturation et la posture prospective que nécessite la gestion du développement de grandes villes. Cette pression, en politisant l’acte de construire, a ôté leur pouvoir aux instances de conception et de gestion urbaine. La dictature des chiffres et des délais “politiques” est l’origine de l’anarchie et de la précipitation urbanistique nationale. Mais justement les circonstances politiques donnent l’occasion, aujourd’hui, de revenir aux fondements du développement urbain. À Alger et ailleurs.