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  • La Chine malade de son modèle social

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    par Akram Belkaid, Paris
    Le modèle économique chinois fait l’objet d’une attention permanente dans le monde. Il ne cesse d’être ausculté, analysé et de nombreux experts s’interrogent sur son avenir et sa pérennité. Ces derniers estiment, en effet, qu’il n’est pas soutenable pour plusieurs raisons : la consommation effrénée de matières premières et d’énergie, l’aggravation des dégâts écologiques, la priorité donnée aux exportations et donc le refus de développer un marché intérieur grâce à des augmentations de salaire et, enfin, l’incompatibilité à terme entre l’autoritarisme politique du Parti communiste et les exigences fondamentales d’ouverture et de libertés qui iraient de pair avec l’économie de marché.
     
    Le poids des inégalités sociales
     
    Ces thèmes sont très connus et il n’est pas besoin de revenir sur eux. Pour autant, ils en occultent un autre qui a longtemps été ignoré. Il s’agit de l’évolution du climat social chinois. Depuis plusieurs mois, les grèves se multiplient dans les usines et les grands centres d’assemblage pour l’augmentation du salaire horaire ou des conditions de travail. Notons à ce sujet que cet esprit de revendication et de contestation s’est rapidement propagé à des pays voisins puisque le Vietnam et le Cambodge connaissent des mouvements comparables.

     En 2007, un rapport de l’académie des sciences sociales de Pékin relevait que trois éléments étaient susceptibles de miner la cohésion sociale chinoise et de provoquer tôt ou tard d’importants désordres. Le premier concerne les difficultés d’accès aux soins mais aussi l’importance croissante de leurs coûts. Dans un pays qui se veut égalitaire, la santé est un domaine où seuls les plus riches et les caciques de l’administration tirent leur épingle du jeu. Le second élément est lié au travail. Depuis le début des années 2000, relevait ce rapport, le fossé ne cesse de se creuser entre travailleurs et chômeurs mais aussi entre salariés permanents et « travailleurs flottants », c’est-à-dire ces migrants qui viennent des campagnes et qui vont de ville en ville pour être employés de manière plus ou moins légale et généralement sur des périodes discontinues.

     De l’avis de nombreux sinologues, cette question est d’ailleurs le problème numéro un de la Chine. Ces migrants sont au nombre de 130 millions, ne touchent en moyenne que 150 euros par mois (5% du salaire mensuel moyen aux Etats-Unis) et ils n’ont pas le droit, du moins officiellement, de s’installer dans les villes de manière permanente. Or, ils ne cessent de réclamer une amélioration de leur statut ce qu’a commencé à accorder avec prudence le gouvernement chinois.
     
    Milliardaires et pauvreté
     
    Le dernier élément d’inquiétude est lié au second. Il s’agit de l’accroissement des écarts entre riches et pauvres. Dans quelques années, à en croire la revue Forbes, la Chine comptera autant de milliardaires que dans toute l’Europe de l’Ouest et l’Amérique du Nord ! Cela à un moment où il reste encore près de 400 millions de Chinois qui vivent dans la pauvreté. Quelles que soient les valeurs chinoises et la vision du monde qui prévaut dans l’Empire du milieu, on comprend aisément que cette dichotomie est insoutenable.

     Cela explique pourquoi des hommes d’affaires et de riches chinois font l’objet de menaces et d’agressions physiques. Et la situation est telle que nombre d’entre eux préfèrent s’installer à l’étranger (ce qui leur permet au passage d’échapper à l’administration fiscale chinoise). Tôt ou tard, la Chine devra se résoudre à traiter la question des inégalités sociales et donc, de la redistribution des richesses créées par trente années de croissance ininterrompue.