Par : Mustapha Hammouche
On ne change pas une équipe qui gagne. Ou légèrement, si cela s’impose. Partant de cette règle, on peut déduire que le président de la République est globalement satisfait des performances de son gouvernement. On ne sait pas lesquelles, mais lui le sait sûrement. Mais son attachement à l’équipe reste le premier message de ce remaniement. Sur une trentaine de ministres et Premier ministre, on compte quelque six nouveaux noms. C’est donc du neuf avec 80% de vieux, ou du changement à 20%, pour les optimistes.
Le changement de coordinateur n’altère en rien le contenu du message : dans le type de fonctionnement adopté depuis le début du troisième mandat, la qualité du coordinateur est sans effet sur le mode de gestion des affaires publiques. Ouyahia et Belkhadem ne sont pas à leur premier départ, ni à leur premier… retour. Les réjouissances qu’on observe à ce sujet ne se justifient point : en Algérie, les changements d’hommes ne correspondent jamais à des changements politiques, parce que le système s’arrange pour tenir les hommes de changement bien loin des instruments de pouvoir.
Les alternances maison puisent dans le panier géré par le système de clans.
Les deux seules fois où le changement aurait pu se faire, c’était en 1992, avec la victoire du FIS ou l’arrivée de Boudiaf. Dans les deux cas, il en a été décidé autrement.
Le départ de quelques “permanents” de l’Exécutif, même dans des secteurs où l’échec s’était durablement installé, n’a pas de signification politique. La longévité de Benbouzid à la tête d’une éducation bâclée tournait à l’insoutenable aberration, et on n’aurait pas trouvé meilleure doublure à Ould-Abbès que Ziari, par exemple. Et pour colmater les petits vides, on n’a pas été cherché bien loin : parmi les conseillers du Président, par exemple, ou parmi le staff de ministres en vue. Et devant la menace de retrait de la caution islamiste du MSP, on a appelé en renfort un islamiste avéré pour la Communication et maintenu, en plus du désormais chef de parti Ghoul, un ministre du… MSP.
Sur la base de ce faux changement de gouvernement, on peut d’ores et déjà entrevoir que le seul horizon qui préoccupe le sérail est celui des élections présidentielles de 2014. Comme depuis l’Indépendance, et même comme depuis avant l’Indépendance, la question centrale pour le pouvoir est la question du pouvoir. On ne demande donc pas plus à un gouvernement que de contribuer au contrôle de la société pour éviter tout dérapage en termes de paix civile jusqu’à l’échéance prochaine. Pendant ce temps-là, derrière les murs feutrés des états-majors de clans, se concoctent les conspirations et se négocient les alliances. Toutes les convictions sont les bienvenues puisqu’il n’est pas question de projections de l’Algérie dans le futur. Ne pas en avoir — de convictions — constitue même, dans ce contexte, un gage de promotion politique. Il n’y a que des stratégies de pouvoir et nul besoin de stratégies pour l’Algérie. Le pétrole est là pour l’entretien du pouvoir au quotidien.
Dans cette situation, où la gestion du quotidien est au service de l’immobilité politique, il n’y a point de place ni pour la projection, ni pour la prévision. Avec tant d’intérêts claniques à son bord, tout en la regardant dériver, l’Algérie ne relève plus que de la seule théorie du chaos.