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insÉcuritÉ

  • INSÉCURITÉ, STATU QUO POLITIQUE, INFLATION RECORD, DÉLESTAGES...

     

    Silence, on navigue à vue

    Par
     
    Qui a donc intérêt à nourrir le pourrissement, au moment où le pays a le plus besoin de consolider sa stabilité?Qui a donc intérêt à nourrir le pourrissement, au moment où le pays a le plus besoin de consolider sa stabilité?

    L'Algérie qui vient d'échapper aux «révolutions arabes» est pourtant tenue de retenir les leçons et de mesurer le danger de tout dérapage.

    A moins d'un mois de la rentrée sociale, tous les indices plaident pour une reprise difficile. Statu quo politique, dépréciation du dinar, inflation, érosion du pouvoir d'achat, délestages, insécurité et laisser-aller à tous les niveaux... sont autant d'ingrédients qui font mener la vie dure aux Algériens.
    Qui a, donc intérêt à nourrir le pourrissement, au moment où le pays a le plus besoin de consolider sa stabilité? L'Algérie qui vient d'échapper aux «révolutions arabes» est pourtant tenue de retenir les leçons et de mesurer le danger de tout dérapage. La sonnette d'alarme est tirée par la classe politique qui met en garde contre l'absence manifeste d'autorité. C'est le cas du MPA d'Amara Benyounès qui, dans un communiqué rendu public, hier, relève l'insécurité grandissante et la dégradation généralisée de la qualité des services publics qu'il juge «révélatrices de l'indigence de la gestion des affaires publiques». Sur le plan politique, le changement annoncé tambour battant lors des dernières législatives semble avoir fondu comme neige au soleil. On a même oublié, qu'en ce 10 mai «historique», on avait élu la première Assemblée censée opérer une rupture avec toutes celles issues de processus électoraux à la «Naegelen».
    L'annonce d'un nouveau gouvernement qui devait intervenir, en principe, au lendemain du scrutin, est renvoyée aux calendes grecques. On préfère opter pour la «continuité» que de faire dans la précipitation, sachant que le consensus n'est pas réuni quant à la nature du nouvel Exécutif. Il est difficile de satisfaire les partisans d'un gouvernement d'union nationale et ceux qui demandent à ce que la nouvelle équipe émane de la majorité, et donc du FLN et du RND. Le gouvernement, dont six ministères sont gérés par intérim, poursuit sa mission. Au chapitre économique, et contrairement au chiffre avancé par le très officiel Office National des Statistiques, le taux d'inflation risquerait d'atteindre le seuil des deux chiffres.
    Dans le document conjoint adressé il y a quelques jours par la Centrale syndicale Ugta et le Conseil national économique et social (Cnes) au chef de l'Etat, il est fait état d'un taux d'inflation à 9% et non de 7, selon la version de l'ONS. Ce qui ne manquera pas d'avoir un impact sur le pouvoir d'achat, déjà sévèrement érodé par la spéculation et le secteur informel. Le quotidien des Algériens en ce mois sacré est révélateur de la manière avec laquelle les pouvoirs publics appréhendent les préoccupations des citoyens. Livrés à eux-mêmes, et face à l'incurie des responsables, les Algériens ne trouvent que la rue pour exprimer leur colère.
    L'«étincelle» des délestages, devenus le feuilleton de l'été par excellence, risque de tout emporter sur son passage, si aucune solution n'est trouvée. A part les quelques solutions à l'emporte-pièce annoncées par les responsables du groupe Sonelgaz, comme le recours aux stations mobiles, la situation demeure des plus préoccupantes.
    Les citoyens sont pris en otage des délestages récurrents et improvisés des services de la Sonelgaz, ce qui, à leurs yeux, est synonyme de mépris et d'arbitraire, des comportements qui, de surcroît, émanent d'une «entreprise citoyenne». En termes de sécurité publique, un net relâchement a été constaté ces derniers temps.
    Des agressions s'opèrent à tout moment et en plein jour, sans que leurs auteurs n'en soient inquiétés.
    Le personnel médical est agressé au quotidien, en plein exercice de ses fonctions, sans que les services de sécurité n'interviennent. Chose, somme toute anormale dans un pays où les effectifs de la Police et de la Gendarmerie nationale sont revus chaque année à la hausse. Sans compter les moyens dont elles disposent et qui n'ont rien à envier à leurs collègues des pays de la rive Nord. En somme, elles est légitime de s'interroger sur l'attitude des institutions à tous les niveaux, qui ont tendance à attendre que la situation échappe à tout contrôle pour daigner intervenir.

  • insécurité, agressions… et intervention d’un imam pour dissuader un médecin de porter plainte

     

    Une nuit aux urgences du CHU Mustapha Bacha à Alger

     

     



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    REPORTAGE – L’œil droit violet, rougeurs et traumatisme cranio‑facial. Mercredi 25 juillet, il est 0 h 15. Bachir Guerbas, médecin résident au CHU Mustapha Bacha, est assis au fond d’une salle à l’hôpital, entouré de ses collègues. Il venait à peine de commencer sa garde aux urgences, vers 19 heures, quand il a été brutalement agressé  par un groupe composé d’environ six personnes accompagnant une malade.

     

    « La malade,  leur mère ou leur grand‑mère, devait passer en urgence chirurgicale mais il n’y avait pas de place », raconte Bachir Guerbas. Impatients et dépités, ses agresseurs présumés tentent de séquestrer tout le service avant de s’en prendre à lui en le rouant de coups. « Pourtant, moi, je suis aux urgences de réanimation », ajoute‑t‑il comme pour tenter d’expliquer le malentendu dont il a été victime. « Je ne sais pas pourquoi ils m’ont agressé », dit‑il.

     

     

     

     

     

     

     

    Un policier serait impliqué, un imam pour tenter une conciliation

     

    D’autres membres du personnel pénètrent dans la salle. La colère, l’indignation et la rancune se lisent sur les visages. Un des agresseurs du médecin serait un policier en civil. « Quand je suis venu pour aider le médecin, l’un d’eux m’a dit de ne pas m’en mêler car il était policier. Un membre de sa famille m’a ensuite donné un coup de poing », raconte Azzedine Amirou, un agent de sécurité.
     
    Après son agression, Bachir Guerbas  s’est rendu au commissariat pour déposer une plainte. « Ils [les policiers] ont été corrects avec moi. Ils n’ont cependant pas mentionné l’implication de leur collègue », affirme la victime. Selon un autre médecin, le policier agresseur se trouvait justement au commissariat au moment du dépôt de plainte. Impossible de vérifier leurs dires.

     

    Intervention de l’imam
    Avant le dépôt de la plainte, les agresseurs ont tenté une conciliation avec le médecin. Pour le convaincre, ils ont fait venir un imam. Ce dernier aurait expliqué aux médecins présents qu’il avait abandonné la prière des tarawih spécialement pour tenter de résoudre cette affaire. Il leur a expliqué qu’il ne fallait pas porter plainte car c’était illicite. «  Ils ont instrumentalisé l’imam pour qu’il soit un intermédiaire. Mais on va aller jusqu’au bout », lance Bachir Guerbas.
    Bachir Guerbas s’est présenté ce mercredi devant le procureur, au tribunal de Sidi M’Hamed, avec un avocat de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (Laddh). Le médecin légiste lui a prescrit quinze jours d’arrêt de travail. « Il n’a pas pu examiner son œil. Il était enflé, il ne pouvait l’ouvrir », indique un médecin. Un rassemblement du personnel du CHU Mustapha Bacha devrait se dérouler, dans la matinée, devant la direction générale de l’hôpital pour exiger plus de sécurité dans les différents services.

     

    Absence de sécurité

     

    Le poste de police est situé à quelques mètres du service des urgences. Mais mardi soir, les policiers ne sont pas intervenus. Au fil des années, médecins, infirmiers et agents de sécurité ont fini par ne plus trouver cela étrange. Ils ont appris à faire face, seuls, à ces agressions. « Cela se passe tous les jours ici », assure Réda Ouhab, un médecin au CHU. Tout le monde acquiesce. Notamment Boualem Touati, infirmier à Mustapha Bacha depuis bientôt trente‑deux ans.

     

    Des histoires d’agressions et de menaces contre le personnel de l’hôpital, il en a vu et entendu parler tout au long de sa carrière. Lui‑même a été victime, il y a deux ans de cela, d’une agression pendant le Ramadhan. « Dernièrement, il y avait une femme qui assurait la garde. Un homme l’a menacée pour qu’elle lui prescrive une radio alors que son cas n’en nécessitait pas. Il lui a dit : j’ai  trente‑six jugements à mon actif », se désole Boualem. Il  ne cache pas sa joie de partir bientôt en retraite.
     

     

     

    Entre un système de santé défaillant et la délinquance

     

    « C’est plus facile de prendre en charge un malade que d’entrer en conflit avec sa famille », note Anissa Dahoum, maître‑assistante en réanimation. Le problème se pose en termes de moyens disponibles. « On refuse des malades quand il n’y a pas de lits », insistent les médecins. « Les gens viennent des quarante‑huit wilayas car il y a des spécialités qui n’existent nulle part ailleurs », rappelle Réda Ouhab.

      

    Ici, on évoque entre trois et quatre agressions par jour. Des statistiques ? « On ne sait pas s’il y en a. On n’en a pas connaissance mais on vous parle de ce qu’on vit tous les jours », poursuit l’aide‑soignant Ahmed Chekour. « Il y a parfois des gens qui courent derrière nous avec des couteaux », lance‑t‑il.

     

    Le ministère de la Santé dans tout ça ? « Il s’intéresse à autre chose. Un médecin ou un paramédical qui se fait agresser ? C’est le dernier de ses soucis », ajoute Bachir Guerbas. Comme les malades, les médecins urgentistes se sentent comme pris en otage par un système de santé défaillant qui les expose à la délinquance.