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l’algérie ?

  • En l’absence de bouteflika Qui dirige l’Algérie ?


    Le 27 avril 2013 s’avère finalement constituer un tournant majeur dans la vie politique nationale. Près de deux mois et demi plus tard, Abdelaziz Bouteflika, victime ce jour-là d’un accident vasculaire cérébral, sombre dans une si longue maladie que même les autorités officielles ont du mal à cacher.

    Kamel Amarni - Alger (Le Soir)
    Ce long séjour et qui dure d’ailleurs, à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce de Paris, d’abord, puis à l’institution nationale des Invalides, une structure appartenant au ministère de la Défense français, aura ainsi fini par avoir des conséquences massives, multiples et de plus en plus compliquées sur la vie politique et institutionnelle du pays.
    La toute première des conséquences, et que les images de la fameuse visite de Sellal et de Gaïd Salah chez Bouteflika, le 11 juin dernier, ont fini par conforter : l’impossibilité pour l’homme de postuler à un quatrième mandat. Naturellement, suit une conséquence collatérale immédiate, qu’est la perte progressive de l’autorité et des soutiens traditionnels et ce, en dépit des apparences.
    En ce début juillet, ils sont de moins en moins nombreux, y compris au sein même du pouvoir, à parler, ni du quatrième mandat, ni de la révision de la Constitution et même de Bouteflika lui-même ! Davantage encore depuis la visite sus-citée aux Invalides. Ce jour-là aura été en effet, d’une manière ou d’une autre, brisé l’embargo imposé par le frère conseiller, Saïd Bouteflika, sur tout ce qui concerne le premier responsable du pays. Ainsi, les images, même muettes, et malgré tout le génie mis dans leur montage par une armée d’experts au niveau de la présidence, ont mis en évidence un Président affaibli, lent au réflexe et cachant mal les séquelles d’une lourde maladie. Mais cela urgeait de le montrer vivant pour diminuer de la pression terrible qui pesait sur le pouvoir mais aussi pour faire éloigner toute perspective de recourir à l’article 88 de la Constitution. Une perspective qui constitue par ailleurs la hantise même des tenants du pouvoir. Et sur ce point, au moins, tous les segments de ce même pouvoir sont unanimement d’accord.

    Le pouvoir glisse largement vers le Palais du Gouvernement
    L’idéal pour tous serait ainsi de pouvoir arriver à traverser cette période difficile de vacance de pouvoir qui ne dit pas son nom, et espérer tenir une élection présidentielle à peu près dans les délais initialement prévus, à savoir avril 2014. Mais pendant ce temps, qui dirige réellement le pays ? A l’évidence, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, vient en pole position.
    En fait, l’ancien ministre des Ressources en eau, qui avait dirigé à deux reprises la campagne électorale de Abdelaziz Bouteflika en 2004 puis en 2009, avait été nommé à la tête du gouvernement, le 3 septembre 2012 avec comme feuille de route réelle, la préparation d’un quatrième mandat. De suite, d’ailleurs, il se verra autorisé à effectuer des visites officielles à l’intérieur du pays, privilège que Bouteflika avait interdit à ses chefs du gouvernement successifs depuis Ali Benflis. Mais depuis le 27 avril, et la fin de la visite qui le menait ce jour-là dans la wilaya de Béjaïa d’où il avait annoncé lui-même l’évacuation de Bouteflika en France «pour un simple malaise de santé sans gravité», depuis ce tournant donc, les sorties de Sellal prennent une nouvelle dimension.
    Certes, officiellement, tout cela s’inscrit «dans le cadre de l’application du programme de Monsieur le Président de la République». N’empêche, il est difficile de ne pas comprendre que, d’abord, ces sorties, tant à l’intérieur du pays, à l’étranger ou alors pour accomplir les missions protocolaires habituellement dévolues au chef de l’Etat, sont destinées à combler le vide laissé par Bouteflika. Il est vital de donner l’image d’institutions qui fonctionnent de façon ordinaire. Et ce n’est, en outre, plus un secret pour personne, qu’il y a un côté «campagne électorale» de l’actuel Premier ministre. Bien des sources le donnent ainsi comme étant le candidat sur lequel misent Bouteflika et son entourage pour les futures présidentielles.
    Ses prérogatives sont visiblement très importantes. En tout cas, elles sont autrement plus significatives que celles dont disposaient Ouyahia ou Belkhadem avant lui. Mais dirige-t-il tout seul, pour autant ? Ce n’est pas tout à fait le cas, bien sûr. Ne serait-ce que de par sa proximité quotidienne, permanente et exclusive avec Abdelaziz Bouteflika, le très influent frère conseiller Saïd est un passage obligé et incontournable pour tout.
    «C’est via Saïd que Sellal transmet tous les documents au Président ou reçoit des instructions de sa part», nous confie une source très bien informée. Il faut dire aussi qu’effectivement, les relais traditionnels en la matière, comme le secrétaire particulier de Bouteflika, Mohamed Rogab, le directeur de cabinet, Moulay Guendil, et même le directeur du protocole, Mokhtar Reguieg, sont complètement mis à l’écart depuis le 27 avril et l’évacuation, sans aucun d’entre eux, de Bouteflika à Paris.
    Restés sur Alger, c’est Saïd Bouteflika qui cumule, depuis, toutes leurs fonctions. Ce n’est pas tout. Sellal qui, jusque-là, avait eu et a toujours le privilège de présider toutes les cérémonies dévolues au chef de l’Etat, n’a pas été associé aux deux plus importantes, celles qui concernent l’armée, à savoir la sortie de promotions de l’Académie interarmes de Cherchell et la remise de grade aux nouveaux officiers supérieurs tenue le 4 juillet au ministère de la Défense. Les deux ont été présidées par le chef d’état-major de l’ANP, Ahmed Gaïd Salah. Une manière de tracer quelques lignes rouges ?
    Il est clair que la volonté d’éloigner Sellal de toutes les questions liées à l’armée émane d’en haut. Bouteflika, qui n’a jamais admis une quelconque «concurrence» sur ce point précis, ne serait-ce que symboliquement, aura-t-il voulu «banaliser» ces deux cérémonies en en excluant tous les civils, y compris d’ailleurs le ministre délégué Abdelmalek Guenaïzia ? Ou alors ce deuxième grand pôle de la décision au pays, l’armée, avait jugé utile de s’affirmer en cette période particulière, de crainte que l’invitation de Sellal ne soit interprétée comme une caution de la grande muette ? Le 12 juin dernier, le ministère de la Défense s’était signalé par un surprenant démenti en réaction à l’appel de l’historique et membre des 22, Mohamed Mechati, qui demandait publiquement à l’armée de prendre ses responsabilités en prononçant l’empêchement. Quoi qu’il en soit, il est désormais clair que l’armée ne veut pas du tout se mêler, de quelque manière que ce soit, à ce jeu politique ou, du moins, veut bien le paraître.
    K. A.