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l’ordre

  • L’ordre et la monnaie

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    L’histoire est vraie et se passe sur une de ces routes sinueuses du pays, dansant à travers montagnes, platitudes et mornitudes. Se pensant comme chaque Algérien dans la solitude des déserts, un conducteur impatient grille une ligne continue pour doubler un vieux camion trop patient. C’était sans compter sur la vigilance des forces de sécurité. Un gendarme, vert comme une pomme encore dans son arbre, surgit et interpelle. Introduction, papiers et résumé de la situation plus tard, la sanction tombe. Froncement de sourcils et retrait de permis, ce qui est toujours mieux qu’une condamnation à mort.

    En bon Algérien, le conducteur essaie de négocier pendant qu’il cherche mentalement qui appeler, sa mère ou un colonel. Mais le gendarme est intraitable et lui explique que «même l’Emir Abdelkader ma ifrihalekch», ce qui se traduit par «même l’Emir Abdelkader ne pourra rien pour toi». Le conducteur, dépossédé de son histoire et de son titre de transport, comprendra plus tard l’énigme. Pourquoi invoquer l’Emir Abdelkader en ces temps aigris ? En fait, il ne s’agissait pas de l’Emir mais du billet de 1000 DA, sur lequel trône Abdelkader. Décodé, le message voulait dire ceci : 1000 DA ne te suffiront pas pour que je te pardonne. Il va falloir passer à 2000 DA, ce billet vert, aussi vert qu’un gendarme, et qui n’a toujours pas de surnom.

    Contrairement à cette route de campagne, cette histoire n’est pas isolée et confirme que l’inflation a atteint même la gendarmerie qui, sans émeute, a décidé de s’aligner sur les prix. Mais on le sait, la vie est chère et tout ce qui est hors de prix est inaccessible. L’argent adoucit les mœurs et un billet de l’Emir peut adoucir un gendarme, même anguleux. Il n’y a pas de morale à cette histoire, ou alors il faut la chercher dans la morale ambiante. On notera juste que l’Emir Abdelkader est le fondateur officiel de l’Etat algérien.

     

    Chawki Amari