Par Hakim Laâlam
Email : laalamh@yahoo.fr
"Celui qui vit dans un pays musulman et qui ne respecte pas ses valeurs est comparable à une personne qui fait ses besoins publiquement. C’est une position nauséabonde". Cette sentence fleurant bon le Sanibon contrefait, nous la devons au ministre des Affaires religieuses qui répondait ainsi à une question de journalistes sur le dernier livre de Mohamed Benchicou, Le mensonge de Dieu.
D’abord un ou deux messages personnels au ministre des cultes : il y a des toilettes plus propres que certains salons. Et si Benchicou écrit comme il urine, les WC de Mohamed devraient être classés "Monument littéraire". Voilà pour rester dans le même registre scato, pipicaca, un référent que le commis chargé par l’Etat de gérer notre rapport à Dieu semble comprendre plus facilement que la littérature, les livres et la poésie des phrases. Deuxième message personnel à l’attention du spécialiste ès vespasiennes : quand, durant son mandat à la tête d’un tel ministère, on a eu autant de morts lors des campagnes successives du Hadj, on devrait moins la ramener sur la littérature, sur les écrivains et sur le talent. A la place, on aurait dû démissionner depuis belle lurette. Fin des messages perso, début des textos à plus large diffusion.
Le plus réconfortant dans cette déclaration Ajax WC de Ghoulamallah, c’est qu’elle confirme au moins une chose que je m’échine à répéter et à asséner ici même depuis des années : il n’y a pas d’islamisme soft et d’islamisme hard ! Il n’y a pas d’islamisme en costume cravate et d’islamisme en treillis et gilet de combat. Il y a l’intégrisme. Comme matrice à toutes ces variantes, ces variables d’une même idéologie, celle de l’hégémonie de l’homme sur l’homme. Et quitte à me répéter, encore et encore, les islamistes en costume, les barbus light, les ministres du culte qui traduiraient – paraît-il — une approche de l’islam autre que celle fabriquée dans les maquis sont ceux-là mêmes qui, dès le franchissement des derniers remparts de la République par les hordes de la montagne, dès les premiers signes de l’effondrement des institutions, vous désigneront à l’égorgeur, dessineront de nuit la croix sur la porte de votre domicile afin de faciliter le boulot aux bourreaux. C’est parce qu’il existe cette engeance de l’islamisme BCBG, c’est parce que le leurre d’un islam politique inoffensif est encore et plus que jamais tentant qu’un jour, un jour maudit pour mon pays, Ali Benhadj a pu pénétrer en tenue militaire au siège du ministère de la Défense et y être reçu en grande pompe par un général fringué en civil.
En ce sens, la sentence prononcée par Ghoulamallah à l’encontre de Benchicou est aussi et avant tout une fatwa. Elle désigne où doivent être exécutés l’auteur et son œuvre. Elle campe et plante le décor de la mise à mort : "Ces pages et cet homme ne méritent que le caniveau et les toilettes." Là encore, nous sommes dans le processus. Celui d’une Sûreté urbaine explosée par un kamikaze à Tizi. Celui d’un congrès du FIS en préparation avancée. Et celui d’une contrée sur laquelle est étendu à la vitesse grand V un immense voile noir surmonté d’un étendard vert. J’exagère ? C’est exactement ce que disaient les âmes bien-pensantes en voyant le général en civil avaler goulûment la logorrhée du gnome en treillis. Elles trouvaient exagéré d’accorder plus d’attention qu’il n’en fallait à cet "incident protocolaire". Des années après, nous payons encore l’arriéré de ces "erreurs majeures de casting". Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue.
H. L.