Par : Mustapha Hammouche
Qu’est-ce qui peut unir les “Arabes” ?
Depuis qu’ils se sont “ligués”, d’abord à six, pour arriver à vingt-deux en 1993, les États dits “arabes” n’ont jamais eu en commun qu’un discours identitaire.
La première conséquence de ce postulat communautaire à base linguistique est que l’arabe doit s’imposer comme langue officielle unique, que les langues historiques des régions et peuples auxquels s’est étendue “l’arabité” et celles de minorités doivent être étouffées, ignorées, marginalisées et réprimées. Et comme la langue arabe détient un statut de sacralité en ce qu’elle est la langue du Coran, les religions autres que l’Islam subissent à leur tour le même étouffement : elles entretiennent des langues concurrentes et leurs adeptes sont suspects de liens avec des intérêts extra-arabes.
Pas plus qu’ils ne sont parvenus à quelque unité arabe, les régimes battent en brèche les unités nationales construites, à l’origine, par opposition et réaction de populations au phénomène colonial et par la volonté de stratèges politiques, de négociateurs et de cartographes de puissances de protectorat. Les rivalités politiques et les appétits économiques ont fait échouer les éphémères expériences d’ensembles plurinationaux (Grande-Syrie, République arabe unie, Union des États arabes…). Plus grave, faute de légitimité pour la consolider comme unité nationale de consensus, tous les pouvoirs postindépendance ont opté pour l’unité du plus fort. Après la Somalie et le Soudan, la question de l’unité nationale se pose dans la plupart des pays “arabes” dès que la chape de plomb autoritaire est soulevée (Irak, Libye…)
Les États dits arabes se sont voulu des répliques institutionnelles de leurs colonisateurs : républiques, pour les anciens protectorats ou colonies françaises, royaumes pour les anciens protectorats et colonies britanniques). Tout en prenant argument dans la menace sioniste et impérialiste, ils ont aussi été ce que la guerre froide a voulu qu’ils soient. Aujourd’hui que la Russie a décidé de reprendre son rôle de contrepoids à la puissance occidentale, la Ligue arabe vient d’exploser silencieusement à Riyad. Et la “réunion de la Ligue arabe” s’est transformée en conclave d’émirats du Golfe et de pays acquis à la position interventionniste. Mais pas de quoi s’inquiéter : c’est une ligue qui se dissout et se reconstitue au gré des circonstances ; n’ayant de finalité que la somme des finalités des régimes qui la composent, elle survivra dans sa géométrie variable et adaptable.
L’idéologie arabiste suffit à donner motif aux sectarismes nationaux qui, à leur tour, justifient les autoritarismes locaux et leur répression des remises en causes identitaires et des minorités religieuses et ethniques !
Même si les soulèvements populaires contre les despotes arabes sont prioritairement soutenus par les dictatures du Golfe, l’Algérie fait figure de fer de lance dans la résistance au changement. Le Maghreb n’ayant pas d’existence politique, ses pouvoirs, eux-mêmes politiquement précarisés par le printemps… maghrébin avant d’être arabe, ont perdu de leur influence.
Du fait de son attitude ambiguë face aux révolutions, l’Algérie perd, auprès des opinions “arabes”, une considération qu’elle avait chèrement acquise par le passé.