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la mort

  • La mort comme mode de communication

     

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    Comment en finir avec ceux qui ont décidé de tout finir  ? La difficile question qui s'est posée à l'Algérie, il y a 20 ans, se pose malheureusement aujourd'hui à la Tunisie, à laquelle personne ne souhaite le plongeon dans le même film d'horreur que son voisin – enfants décapités, foules explosées et villages entiers passés à la hache. Il s'agit pour les Tunisiens, à ce carrefour de l'histoire ou point d'inflexion de la courbe de son destin, de trouver la réponse adéquate, celle que n'a pas trouvée l'Algérie avec ses milliers de morts, démocrates, journalistes, policiers, militaires ou anonymes, assassinés les yeux stupéfaits. Que faire devant cette énigmatique constance de l'islamisme à faire ses besoins là où il mange  ? Les tuer tous, les islamistes, les réduire en poudre et en faire du savon ? L'idée est aussi bonne qu'inapplicable. Les parquer dans un désert grillagé en espérant qu'ils fondent au soleil ? Ce serait prendre de la vieille huile de vidange pour du beurre frais.

    Les peindre en orange pour les envoyer en fichiers attachés à Guantanamo  ? Non plus, l'Amérique, même à Cuba, ne peut accueillir toute la bêtise du monde. Que faire alors de ces têtes de veau dont la capacité de nuisance semble sans limite et sans cesse renouvelée ? Comme le répètent souvent les dirigeants algériens de la lutte antiterroriste, tarir leurs sources de financement. C'est là où la phrase s'arrête et que le non-sens commence, le problème étant que les principaux fournisseurs d'idéologies et de finances ne sont autres que l'Arabie Saoudite et le Qatar, contre qui personne ne semble rien pouvoir faire. Devant des considérations si géostratégiques et des lâchetés si imperturbables, il faudrait donc s'avouer vaincu. Réduits à couper une mauvaise herbe pendant que les engrais importés en font pousser des centaines à côté. Même un fellah fonctionnaire de la Révolution agraire trouverait le procédé absurde.

     

    Chawki Amari
  • La mort comme projet

     

     

     

     

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    En pleine campagne pour le scrutin capital, deux nouvelles victimes ont été recensées, auto-éliminées du gros fichier électoral. Un jeune de 26 ans qui s’est immolé par le feu à Tiaret en plein centre-ville et un autre qui s’est mutilé à Mila, devant le siège de la wilaya : il s’est découpé le torse, les bras et les épaules avec un couteau de boucher. Comment en est-on arrivés là ? En dehors du procédé lui-même — sortie avec spectacle pyrotechnique pour le premier, menace sur son propre corps pour le second — les facteurs et moteurs sont certainement multiples. Pour faire un rapide récapitulatif, pendant la guerre d’indépendance, les Algériens tuaient des Français pour se libérer. Puis des traîtres algériens après la guerre, pour se venger. Dans les années 1970, les Algériens tuaient leur agriculture et dans les années 1980 assassinaient leur histoire. Dans les années 1990, les Algériens ont commencé à tuer des Algériens.

    200 000 morts victimes de règlements internes, et les années 2000 auront vu le meurtre des ambitions et celui d’une forme de modernité, refusée par les autorités sous le couvert de traditions à respecter. Pour en arriver aux années 2010 et le XXIe siècle, où les Algériens, impuissants à influer sur l’histoire, en sont arrivés à se tuer eux-mêmes. Des enfants se pendent dans les cours d’école pendant que des dizaines d’adultes se brûlent devant les foules médusées. On ne sait plus combien se sont immolés par le feu et mutilés, tant il y en a, on ne sait plus pourquoi ils le font, tant les raisons s’entrechoquent et paraissent devenues plus nombreuses que les raisons de vivre, 50 ans après l’indépendance. Du coup, demander à sanctionner ceux qui ne votent pas devient ridicule, comme si on pouvait emprisonner quelqu’un qui est déjà passé de l’autre côté. C’est tout le problème. L’Algérien reste fasciné par la mort. Quand il ne peut plus la donner, il se la donne à lui-même.

     

    Chawki Amari