Novembre : la protesta des Patriotes trahis
De Haouch Gros, à Blida, les membres de la coordination des Patriotes comptent lancer des actions de protestation à travers le pays pour revendiquer leurs droits et recouvrer leur dignité bafouée par le pouvoir
Désarmés par la réconciliation nationale au plus fort de la lutte anti-terroriste, les Patriotes qui se sont armés à Igoujdal en Kabylie maritime et à Haouch Gros, dans les vergers de la Mitidja, contre le terrorisme, s’organisent en mouvement de protestation pour défendre leurs droits et leur dignité à la veille du 57ème anniversaire du déclenchement de la lutte armée pour l’Indépendance dont plusieurs sont issus.
Selon l’information rapportée par le quotidien Liberté dans son édition de dimanche 30 octobre, c’est de Haouch Gros que les membres de la coordination des Patriotes comptent lancer des actions de protestation pour revendiquer leurs droits et recouvrer leur dignité. Ainsi, au moment où Bouteflika s’apprête à marquer l’anniversaire de "son" 57ème Novembre par des coups d’éclats en séries d’inaugurations restées au frigo pour cette date, les Patriotes qui l’ont interpellé à maintes reprises sur leur situation de laissés pour compte envisagent plusieurs actions pour se faire entendre. Selon la même source, ils comptent bloquer, dès aujourd’hui, les tronçons de l’autoroute Est-Ouest et occuper le siège de la wilaya de Blida avant d’envisager une marche sur Alger. D’autres actions de revendications seront organisées à travers différentes régions du pays.
Après avoir été licenciés de leur poste de travail sans aucune indemnités, ils sont devenus objet de tractations politiciennes entre Bouteflika et Belkhadem sans qu’aune réponse concrète ne leur soient donnée quant à leur situation des plus dramatiques sur les plans social et éthique. Aucune des revendications relatives à la reconnaissance de leur statut professionnel en tant que Patriotes engagés dès 1993 aux côtés des forces de l’ANP sur le terrain de la lutte anti-terroriste, n’a été satisfaite depuis avril 2010.
En 2008 déjà, Belkhadem, émissaire de Bouteflika, a promis en vain de les rencontrer. Le ministère de la Défense nationale a promis aux 25 000 Patriotes, juridiquement considérés de "citoyens volontaires" (le terme de Patriote n’est pas reconnu officiellement, contrairement à l’appellation de "terroriste repenti"), leur a fait parvenir un contrat stipulant un salaire mensuel de 25.000 DA et une couverture sociale. Mais le document qui leur a été remis par le biais des chefs de groupe de Patriotes conditionnait l’attribution de ce salaire par la remise d’un dossier administratif à faire décourager le plus déterminé d’entre eux : un casier judiciaire, un certificat de nationalité, la photocopie de la carte nationale, la carte de port d’arme…
Dans le même temps, dès la promulgation de la concorde civile, les fonctionnaires d’entreprises publiques ayant rejoint le SIT (Syndicat islamique des travailleurs) du FIS avant de prendre le maquis de l’AIS et du GIA ont été non seulement réintégrés dans leur poste de travail pour ceux dont les entreprises n’ont pas été bradées, mais aussi indemnisés avec effet rétroactifs de leurs années de terroristes sans contraintes administratives. Mieux : des entreprises privées, issues du démantèlement du tissu industriel étatique ont reçu instructions d’indemniser des travailleurs, anciens terroristes, dont elles n’avaient aucune trace.
Lors du 6ème anniversaire de la promulgation de la réconciliation nationale, c’est l’impunité accordée aux terroristes qui a les faveurs du pouvoir. Les Patriotes étaient devenus des témoins gênants. Mais l’affront qui leur a été fait n’est sans doute pas qu’au niveau du mépris comme seule réponse à leur revendication d’un statut professionnel. Il touche à leur honneur et sacrifice consenti dans la lutte contre les maquis du GIA. Alors que nombre d’entre eux sont tombés au champ d’honneur sans aucune reconnaissance officielle, l’un des leurs, vaillant combattant dans les rangs de l’ALN et chef des Patriotes a été condamné à mort avant que sa peine ne soit commuée à la prison à vie. Il s’agit de Mohamed Gharbi qui a défendu son honneur en abattant un ancien chef du GIA qui, fort de cette impunité de la concorde civile, devenu repenti intouchable, le menaçait de mort. Ses nombreuses plaintes auprès de la gendarmerie, demeurées lettres mortes, Mohamed Gharbi n’a eu, pour se défendre, que son fusil face au terroriste "repenti". Lors de son procès, sa première condamnation à mort a été applaudie par des faux repentis venus en meutes à la salle d’audience huer le Patriote. Mohamed Gharbi a passé dix années de sa vieillesse en prison. La mobilisation du comité Mohamed Gharbi a eu raison de cette ignominie. Le Patriote est libre mais est-il pour autant libéré de l’affront qui lui a été fait ?
Marginalisés, bafoués et trahis dans leur sacrifice consenti pour sauver les derniers carrés d’une indépendance remise en cause par l’islamisme politique, les Patriotes, réunis à Haouch Gros, veulent aussi marquer, par le choix de leur regroupement dans cette région de la Mitidja, le 16ème anniversaire de la mort de Mohamed Sellami, le fondateur des Patriotes de la Mitidja tombé, les armes à la main, dans la nuit du 19 décembre 1995 lors d’un affrontement armé avec les terroristes de Antar Zouabri.
Rachid Mokhtari