Le destin injuste du sigle FLN
Par : Mustapha Hammouche
Il y a quelque chose de triste dans ce qu’il est advenu du prestigieux sigle Front de libération nationale.
Les clans, pourvus d’ambitions mafieuses manifestées avant même l’Indépendance, ont flairé, en pleine guerre de Libération, l’avantage tactique à tirer de l’appropriation exclusive du sigle FLN. Ils firent du Front qui associait tous les partis et toutes les sensibilités, un parti… unique qui commandait l’intolérance de toute autre vision que celle de ses propriétaires. Ils firent du libellé de la solidarité nationale l’instrument de l’exclusion autoritaire.
Des manœuvres et affrontements ont marqué l’été 1962, du lendemain des accords d’Évian à l’élection de l’Assemblée constituante, une ratification de liste unique de ses membres plus précisément, en septembre, aboutissant à la confirmation du coup de force de Tripoli. Ben Bella, entré à Alger avec l’état-major quelques jours plus tôt, est désigné président de l’Exécutif et adopte la “charte” du congrès inachevé de Tripoli, instituant le socialisme et le parti unique, comme programme. Il proclame ce qui sera le véritable programme du FLN-appareil jusqu’à aujourd’hui : “La démocratie est un luxe que l’Algérie ne peut pas se permettre.”
Mal lui en prit. Son règne durera moins de trois ans. Parce qu’en matière de dictature, ce n’est pas le parti qui contrôle le pouvoir ; c’est le pouvoir qui contrôle le parti.
Après le coup d’État du 19 juin 1965, comme pour se mettre en conformité avec sa fonction réelle, le FLN adopta ce statut d’appareil jusque dans sa structure : c’est l’appareil du parti qui organise l’activité “politique” : il sert surtout à empêcher l’intrusion dans les institutions de citoyens qui n’ont pas fait la preuve de leur adhésion au système de pouvoir. Une fonction de police politique sans arme.
Depuis, le sigle n’a pas connu d’autre destin que celui-là : servir de lieu de transposition de légitimation “politique” des choix d’un pouvoir qui sait devoir son autorité à sa seule force et en rien à une “volonté populaire” que le FLN est censé concentrer, soit comme parti unique soit comme parti “majoritaire”. La nécessité d’adapter les hommes et le mode d’action aux nécessités conjoncturelles de maintien du système installé par le couple Ben Bella-Boumediene et entretenu par leurs successeurs, toutes sortes de subterfuges ont été testés pour l’adaptation du personnel et du mode d’action de l’appareil. Et cet appareil, qu’on affuble de l’abréviation sacrée de FLN a été dans toutes sortes de combines qu’illustrent les péripéties du “coup d’État scientifique”, de “la justice de la nuit”, jusqu’à l’actuel feuilleton animé par le BP, le CC et autres “clans des milliardaires”…
Paradoxalement, c’est sous le régime qui a introduit une réforme constitutionnelle protégeant les symboles de la Révolution, que la dispute autour de l’instrumentalisation de l’un de ces signes connaît une grossière et irrépressible surenchère.
On ne dira pas qu’il est temps de cesser de compromettre le sigle FLN dans les affrontements autour de la rente : il peut encore rendre trop de services au clan pour que l’appel soit écouté. On pourrait nous répondre par un ricanement à la Chakib Khelil.
M. H.
musthammouche@yahoo.f