Pressions sur les magistrats et les avocats, centres de détention secrets, torture…
Indépendance de la justice : un nouveau rapport met en cause le pouvoir
Yazid Slimani
Embrayant sur les inquiétudes des défenseurs des droits de l’homme algériens, le Réseau euro‑méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH) s’inquiète, dans un rapport publié ce jeudi 27 octobre, du peu d’améliorations de l’indépendance de la justice et de la situation des droits de l’homme en Algérie, malgré les réformes annoncées par le pouvoir au début de l’année.
Parmi les obstacles à l’indépendance de la justice, l’ONG cite notamment les lacunes dans la formation des magistrats, les interférences dans leur carrière, la mainmise du pouvoir exécutif sur le Conseil supérieur de la magistrature, le rôle prépondérant de l’Exécutif dans la composition du CSM, le droit de constituer des associations et la liberté d’expression des magistrat.
Pire, selon le REMDH, l’avant‑projet de loi de réforme sur la profession d’avocat « constituerait – si adopté – un renforcement du contrôle de l’autorité judiciaire sur la profession d’avocat ainsi qu’une grave atteinte au droit de la défense ».
Le réseau, à l’instar des avocats en grève depuis mardi, dénonce notamment la remise en cause de l’indépendance du conseil de l’Ordre si le parquet était dorénavant autorisé à prendre des sanctions contre les avocats, et plus généralement le risque d’une « ingérence » qui remettrait en cause l’indépendance de la justice.
« Banalisation des centres de détention secrets »
Le REMDH revient également sur la levée de l’état d’urgence décidée par le gouvernement en février dernier. Selon l’ONG, elle « n’a pas profondément affecté le système judiciaire » car des dispositions qui étaient inscrites dans l’état d’urgence ont « été intégrées dans la législation ordinaire ». « Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, le gouvernement a mis en place une Justice étroitement contrôlée par les autorités politiques. Arguant des conditions de sécurité des juges et de la sécurité intérieure et extérieure de l’État, les décisions de Justice sont suivies de près et les juges sont rappelés à l’ordre non seulement par contacts et par téléphone sans laisser de traces mais aussi par directives écrites », souligne le rapport.
Le REMDH donne l’exemple de la définition dans la loi de l’« acte terroriste » qui est « extrêmement large » et « pèse comme une menace, même contre des actes d’opposition politique ». « Mais le maintien de cette législation pèse également sur l’indépendance des magistrats et de la Justice tout entière car le comportement du pouvoir politique et militaire reste le même, de sorte que les circulaires et les injonctions adressées aux magistrats du Parquet et du Siège continuent de les contraindre et créent un climat de peur ou de démobilisation dans les milieux judiciaires », ajoute l’ONG. Le REMDH parle aussi d’une « banalisation des centres de détention secrets et de la pratique de la torture ». Le gouvernement réfute leur existence, mais selon l’ONG, il peine à convaincre.
Enfin, le réseau REMDH demande au pouvoir algérien « une réelle volonté politique de faire progresser de manière substantielle la cause de l’indépendance de la justice ». L’ONG formule dans son rapport plusieurs recommandations aux autorités algériennes.