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  • Un magistrat américain enquête sur Chakib Khelil

    Corruption

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    le 12.12.13 | 10h00

     

    L’étau commence à se resserrer autour de l’ancien ministre de l’Energie et des Mines, Chakib Khelil, accusé de détournement de deniers publics. «Le dossier Chakib Khelil est toujours ouvert, nous sommes en contact avec des ONG américaines, notamment Transparency International, qui nous ont révélé qu’un magistrat américain est en charge d’enquêter sur l’ancien ministre de l’Energie et des Mines», a indiqué, hier, lors d’une conférence de presse à Alger, Atoui Mustapha, président de l’Association nationale de lutte contre la corruption (ANLC).
                      

    Atoui Mustapha qui a préféré taire le nom de ce magistrat, n’a pas voulu s’étaler plus sur ce sujet au risque, a-t-il précisé, de gêner les investigations de la justice américaine concernant cette affaire. Il a toutefois tenu à assurer que «c’est un magistrat qui a déjà eu, par le passé, à gérer des affaires de corruption en Amérique latine et qui a donné des résultats».

    Cette information corrobore ainsi les révélations faites il y a quelques jours par l’ambassadeur des Etats-Unis à Alger, qui avait déclaré que la justice américaine divulguera bientôt des informations sur l’affaire Khelil.  «Ce n’est pas tout à fait un scoop», déclare, pour sa part, non sans une pointe d’ironie Djillali Hadjadj, président de l’Association algérienne de lutte contre la corruption (AALC). Contacté par téléphone, celui-ci a considéré qu’il y a lieu d’ajouter des éléments d’information par rapport à cette affaire. «Le FBI était déjà au fait de l’affaire Chakib Khelil dans toute sa dimension. Le ministère de la Justice américain, patron du FBI, transmettait régulièrement au département d’Etat et à la Maison-Blanche des données sur cette affaire.

    Le FBI avait dressé un inventaire chiffré des biens immobiliers, des avoirs bancaires de Chakib Khelil, son épouse et ses enfants majeurs, aussi bien aux USA qu’en dehors», a-t-il indiqué. Selon Djillali Hadjadj, outre Chakib Khelil, sur instruction des magistrats américains, le FBI enquête aussi sur Farid Bedjaoui, également au cœur de l’enquête sur le scandale Sonatrach, et ce, en coopération avec les magistrats français, italiens et canadiens. A ce titre, le FBI et la Gendarmerie royale canadienne (GRC), qui est dotée d’une unité anticorruption, coopéraient, selon notre interlocuteur, à propos des deux mis en cause, Farid Bedjaoui et Chakib Khelil. Et dans cette affaire, précise Djillali Hadjadj, «les entreprises italiennes ENI et Saipem (filiale du groupe ENI) cotées à New York, avaient montré leurs dispositions à travailler avec le gendarme de la Bourse américaine, la SEC, afin de reconnaître qu’elles avaient versé des pots-de-vin à des dirigeants de la société Sonatrach, à Farid Bedjaoui et Chakib Khelil». Ce qui permettra à ces deux entreprises, a-t-il ajouté, «de s’en sortir avec une très forte amende de plusieurs dizaines, voire des centaines de millions de dollars».

    Par ailleurs, affirme notre interlocuteur, qui regrette que «la justice algérienne traîne la patte sur cette affaire», les magistrats américains travaillent avec leurs homologues français sur les avoirs en France de Chakib Khelil et Farid Bejaoui.
    Selon Djillali Hadjadj, le gouvernement américain a fait voter en 2010 un dispositif législatif (loi Dodd Frank) visant à garantir la transparence dans les industries extractives. En vertu de cette loi, il est fait obligation à toute les multinationales qui exercent dans les ressources minières et gazières, qui sont cotées à la Bourse de New York, de déclarer et d’afficher publiquement tout ce qu’elles versent financièrement dans les pays où elles ont des marchés, ce qui permettra, en termes de lutte anticorruption, d’avoir des instruments complémentaires. «Ce qui explique pourquoi Saipem avait montré sa disposition à travailler avec la SEC», selon Hadjadj.

    Le refus d’agrément, une décision politique :

    Le président de l’ANLC est revenu hier sur la décision du ministère de l’Intérieur portant rejet de la demande d’agrément de son organisation, créée voilà une année et demie. «En tenant compte des arguments fournis par le ministère de l’Intérieur, qui sont dénués de tout fondement, nous estimons que le rejet de notre demande d’agrément est une décision politique», a déclaré Atoui Mustapha.

    Les membres de cette association, qui affirment que «ce refus implique qu’il n’y a pas de volonté de lutter contre la corruption dans notre pays», comptent à ce titre saisir le Conseil d’Etat à l’effet de revoir leur dossier d’agrément.  «Nous allons saisir le Conseil d’Etat, nous espérons dans ce cas avoir un magistrat qui fasse preuve de sagesse et statuera en notre faveur», a indiqué Halim Feddel, secrétaire général adjoint de cette association, non sans avertir que «si la justice refuse de nous donner l’agrément, nous avons la possibilité de saisir les instances internationales et d’écrire aux chefs d’Etat étrangers».

    En dépit du refus d’agrément de leur association, ces militants ne sont pas restés les bras croisés, ils ont décidé de peaufiner une stratégie de lutte contre la corruption en recourant à des actions de sensibilisation, de dénonciation des cas de corruption et en prenant attache avec des ONG étrangères.

    Ainsi, pour Atoui Mustapha, «le problème de la corruption en Algérie est un problème de mainmise du pouvoir exécutif sur tous les pouvoirs». «Il y a des magistrats honnêtes, mais ils sont victimes du système car la justice n’est pas indépendante. Elle est impuissante», estime de son côté Halim Feddel, qui fait part de certains cas de corruption, dont une affaire de dilapidation du foncier à Alger par un ex-ministre dont il a refusé de divulguer le nom. «Ce ministre a acheté un grand hôtel au Canada», s’est-il contenté de dire.    

    R. B.