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Les dessous de Dubaï

 

En dépit des amères leçons du passé, et malgré les progrès technologiques occidentaux mis à leur disposition, les dirigeants arabes réagissent toujours de la même manière que leurs prédécesseurs. Prenons le cas de ce responsable du Hamas, Mohamed Mebhouh, assassiné par le Mossad à Dubaï. Tout le monde sait que Dubaï est une véritable passoire qui ne filtre que les faux billets et les films pornos. En dehors de ça, tout passe, de l'agent secret mauricien en vacances à l'homme d'affaires marseillais en fuite.
Véritable plaque tournante et centre névralgique de transactions diverses, parfois douteuses, Dubaï ne pouvait surveiller tout ce monde, au risque de perdre au change. Aucune personne dans le monde arabe, Saâdane y compris, ne pouvait ignorer que Dubaï et Israël se fréquentaient assidûment, tout en faisant semblant de ne pas se connaître. Il était donc normal que des espions israéliens, déguisés en hommes d'affaires ou en coopérants techniques, gambadent à Dubaï comme s'ils étaient à Manhattan. La seule condition était de ne pas trop se faire remarquer, et surtout, de posséder un passeport européen. Ce qui n'est pas impossible par les temps qui courent, puisque même nos fils de ministres ou de généraux peuvent posséder ce document de voyage. Voilà donc qu'une dizaine de «ressortissants» européens débarque à Dubaï, et y trucide le représentant du Hamas. Ils auraient pu le faire à Beyrouth ou à Khartoum, mais la cible y allait de sa mauvaise volonté, en se déplaçant rarement dans une capitale moins voyante. Et puis, pourquoi aller chercher ailleurs alors que Dubaï offrait toutes les commodités, comme indiqué plus haut. Leur forfait accompli, les tueurs rentrent en Europe où ils sont comme chez eux, ou en Israël où ils le sont autant ou presque. Très vite, la machine policière émiratie qui gardait l'œil ouvert, sous ses airs somnolents, s'est mise en branle. En l'espace de quelques heures, l'opinion internationale était informée de l'identité complète des agents israéliens. Au fur et à mesure, on y a ajouté, les noms de quelques comparses locaux, des supplétifs palestiniens. Nous n'aurons pas la naïveté de croire que le Mossad n'a pas de réseaux dormants dans ces contrées, où les consciences fluctuent comme le baril, sans les risques d'embargo. On sait aujourd'hui que Mohamed Mebhouh a été éliminé grâce à la complicité de membres du Hamas, ce qui n'est pas étonnant lorsqu'on connaît la genèse du mouvement. Toutefois, et à de rares exceptions, les médias arabes ont préféré s'accrocher à la «performance» des services de sécurité qui ont démasqué les coupables, à défaut d'avoir empêché le crime. On s'est donc empressés de crier victoire, comme après chaque déconvenue ou demi-défaite, et de railler les maladresses et la bêtise du Mossad. Comme le policier égyptien en retraite qui a assassiné une starlette libanaise à Dubaï, précisément, les Israéliens ont tout fait pour se faire remarquer. Avec cette différence que l'ancien policier est aujourd'hui dans l'attente de son exécution, et que les tueurs du Mossad courent toujours, et pour longtemps encore. Certes, les Israéliens euxmêmes ont fait mine de déplorer les erreurs et les maladresses du Mossad dans l'opération de Dubaï. Les médias arabes qui se sont empressés d'enfoncer cette porte ouverte ont sans doute cru ou voulu croire à une «bourde stratégique» d'Israël. En proie à une hausse vertigineuse de son adrénaline patriotique, un éditorialiste a cru devoir démonter comment «Dubaï a vaincu le Mossad». Or, il n’y a rien de tout cela, l'amère réalité veut que les Israéliens peuvent se permettre d'agir à visage découvert, étant assurés d'une totale impunité. Il aurait fallu sans doute relever le fait que les Israéliens sont encore plus arrogants, et plus belliqueux, depuis qu'ils ont mis Obama dans leur poche. Et ce ne sont pas les protestations molles des Européens contre l'usage abusif de leurs passeports qui vont décourager de semblables initiatives. Les éditorialistes euphoriques ont aussi oublié de nous parler du réseau d'intelligences que le Mossad entretient au sein du Hamas et des activités de Mohamed Mebhouh à Dubaï. Selon le magazine Elaph, Mohamed Mebhouh exerçait en réalité la profession de marchand d'armes, avec le financement iranien, avec la bénédiction et sous l'égide du Hamas. Le responsable palestinien était notamment le fournisseur attitré du Soudanais Omar El- Bachir dans ses guerres, au Nord et au Sud. Elaph n'exclut pas l'existence d'un «contrat» entre l'Iran et Israël pour la liquidation de Mebhouh. Le journal cite à l'appui de sa thèse le fait que deux des principaux suspects, munis de passeports australiens, aient pris la fuite en direction des ports iraniens de Bandar Abbas ou Bandar Lengeh. Or, l'Iran n'accorde aucun visa d'entrée à partir de ses frontières maritimes aux ressortissants des pays européens, et occidentaux en général. Selon Elaph, ce «contrat» rappelle celui conclu récemment entre le Pakistan et l'Iran, concernant l'opposant sunnite iranien Abdelmalek Righi. Les Iraniens avaient forcé l'avion kirghize qui transportait Abdelmalek Righi à atterrir sur leur territoire. L'opposant sunnite, responsable de plusieurs attentats en Iran, avait été arrêté, après avoir été extrait de l'avion qui effectuait la liaison Dubaï- Bichkek. Selon la version officielle de Téhéran, Righi avait séjourné sur une base militaire américaine, quelques jours avant l'interception de son avion. Les Américains ont, bien entendu, démenti, mais le plus étonnant, c'est que ce véritable acte de piraterie aérienne n'a pas suscité les protestations habituelles en pareils cas, souligne encore le magazine Elaph. Silence embarrassé dans les rangs des islamistes sunnites, notamment le mouvement des Frères musulmans d'Égypte, qui ne sait toujours pas sur quel pied danser (clause de style) vis-à-vis du «candidat» Bradaï. Faute de se prononcer clairement sur les perspectives politiques et l'après-Moubarek, le mouvement se bat, au sens physique, dans les travées. Lors d'un débat sur la crise dans une grande entreprise de textile à Tan-Tan, Choubeir a pris la défense de l'investisseur saoudien, ce qui a fait régir le député Frère musulman. Il a qualifié de «suspect» le soutien de Choubeir au patron de l'entreprise. Le gardien de but, outré, a répliqué : «Je suis plus noble que toi, espèce de traître, fils de chien ! Tu me traites de suspect, espèce de raclure ! Sur la vie de ta mère, je ne te lâcherai pas, et si tu ne la fermes pas, tu vas recevoir ma chaussure sur la figure !» (propos rapportés par le quotidien Al-Destour). Choubeir a tenté un plongeon spectaculaire vers son adversaire pour l'empêcher de tirer encore. Fort heureusement, le mur formé par les élus a empêché l'irréparable et a épargné à l'Égypte de nouvelles déconvenues sportives et extrasportives. Notre confrère Hassanein Kerroum, qui nous offre quotidiennement une savoureuse revue de presse sur le journal Al-Quds, est revenu, lui aussi, sur ces incidents, sans les commenter. Il nous avait gardé sa flèche du Parthe pour un des journalistes moralisateurs du quotidien El-Djoumhouria. Ce dernier, un certain Sameh Mahrous, s'était livré à une violente critique des récents propos de la Douktoura Héba Qotb, auteure de conseils sur la vie sexuelle du couple sur la chaîne Abou Dhabi (accessible sur Astra, Hotbird et Nil sat). Le journaliste déplore, notamment, que Héba Qotb soit allée aussi loin dans la transgression des tabous traditionnels en la matière. Réplique de Hassanein Kerroum : «Je regrette de ne pas avoir vu cette émission. Lui l'a vue, et il en a profité. Maintenant, il l'attaque et il voudrait l'interdire à des vieux et malades comme nous !»
A. H.

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