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Des divisionnaires de police devant la justice pour trafic de drogue

L’officier qui sema la tempête

Le tribunal de Bab El Oued, situé à Baïnem, a connu une effervescence particulière hier. Pour cause, la programmation d’une affaire de drogue, dans laquelle sont impliqués deux commissaires, l’ancien chef de la brigade criminelle d’Alger, Yassine Oussadit, Bachir Benchaâlal, son adjoint, et Amirouche Gasmi, un citoyen qui est en détention préventive depuis près de six mois.



Une vingtaine de policiers ainsi que l’ancien divisionnaire d’Alger, M. Sebouh, étaient également convoqués par le tribunal en tant que témoins à charge et à décharge dans le cadre de ce procès, lequel a été renvoyé au 19 juillet. Cette affaire remonte à avril 2005, deux mois seulement après la révocation du chef de la sûreté de la wilaya d’Alger, du chef de la brigade criminelle et de son adjoint, sur décision du président de la République, lorsque les agents du service de la police des polices ont trouvé 2 kg de kif dans le bureau du commissaire Yassine Oussadit. Interrogé sur leur provenance, ce dernier a affirmé qu’ils sont le produit d’une enquête menée en 2003 par Bahouri Lyès, un officier de la police judiciaire. Selon lui, ce dernier a interpellé Gasmi Amirouche, sur lequel les deux kilos de kif ont été trouvés. L’officier de police pour sa part a avancé une version des faits qui diffère totalement des propos du commissaire et de son adjoint. Pour lui, cette affaire « cache en fait un règlement de comptes » entre l’ancien chef de sûreté de wilaya et l’officier de la police judiciaire qui aurait pu, si la révocation du divisionnaire n’avait pas intervenu entre temps, se terminer par son incarcération pour une bonne période. En effet, Bahouri Lyès, connu par ses collègues comme étant un des plus compétents pour avoir réussi à démanteler de nombreux réseaux de trafic de drogue et permis la confiscation de près de deux tonnes de cannabis en 3 ans, vient d’être acquitté par la cour d’Alger, après avoir été condamné par le tribunal de Bab El Oued à 8 ans de prison pour « menace de mort avec arme à feu », alors qu’il avait été désigné par son responsable, le chef de la police judiciaire, sous la couverture du procureur général, pour l’infiltration d’un réseau transnational de trafiquants dans le but de démanteler ses filières. Après plusieurs semaines de filatures, l’officier est suspendu et mis sur une voie de garage. Le divisionnaire d’Alger a décidé de mettre un terme à son enquête, sous prétexte que deux marins, qui sont en fait les indicateurs qu’il a recrutés et placés au port d’Alger, l’ont accusé d’avoir exercé des pressions et les avoir menacés de son pistolet pour avoir refusé de convoyer, en 2004, 5 kg de cannabis. Les deux marins ont déposé leur plainte six mois après avoir cessé leurs activités en tant que marins, mais surtout en tant qu’informateurs de la police judiciaire à bord des bateaux. En novembre 2005, après une instruction bâclée, Bahouri est déféré au tribunal de Bab El Oued, où il est condamné à 8 ans de prison. Les autorisations de son chef et les correspondances entre le procureur général et le chef de sûreté de wilaya ont été dissimulées, pour faire en sorte qu’il soit livré pieds et poings liés à la prison, puisque le procureur a été sévère dans son réquisitoire, à l’issue duquel il a demandé 15 ans de prison. L’affaire revient devant la cour, le 24 juin dernier.

Gabergie

Le divisionnaire et le chef de la brigade criminelle ne font plus partie du service. Les documents prouvant que Bahouri a agi avec l’accord de la police judiciaire et le consentement du parquet ont réapparu pour servir à construire sa défense. Cité à témoigner devant la cour, le chef de la police judiciaire a déclaré être au courant des activités de Bahouri, allant même jusqu’à affirmer qu’« il a fait un excellent travail en l’informant sur tout ce qui touche de près aux activités des dealers à bord des deux bateaux où il est resté durant plus de deux mois ». Des déclarations qui ont fait tomber toute l’accusation portée à l’encontre de l’officier et qui ont conduit à son acquittement. Bahouri a déclaré que « les deux marins ont subi des pressions énormes et des intimidations exercées par le chef de sûreté de wilaya pour qu’ils témoignent contre moi, parce que j’ai refusé d’exécuter son ordre de mettre un terme à une enquête sur le trafic de cocaïne. J’ai refusé non pas par rébellion, mais parce que mon responsable hiérarchique qui est le directeur de la police judiciaire ne me l’a pas demandé. Il a utilisé tout ce qui pouvait me valoir la prison. Ce n’est qu’après sa révocation que l’ampleur des dégâts qu’il a occasionnés à l’institution sont en train d’apparaître. » L’affaire qui devait être jugée hier par le tribunal de Bab El Oued fait partie de cette cabale menée contre cet officier. En effet, après que Bahouri a transmis au directeur général de la sûreté nationale, Ali Tounsi, un dossier sur les agissements du chef de sûreté de wilaya et la cabale qu’il a montée contre lui, l’inspection générale (la police des polices) a été saisie et instruite pour ouvrir une enquête, laquelle a commencé par la découverte des deux kilos de kif dans le bureau du chef de la brigade criminelle, Yassine Oussadit. Il s’est défendu en affirmant que « la drogue lui a été confiée par Lyès Bahouri, lequel l’a confisquée de chez Gasmi Amirouche ». Or il n’y a eu aucune procédure d’arrestation, d’interpellation ou de présentation au parquet de Gasmi, qui aurait pu prouver les propos du commissaire et de son adjoint. A signaler que Gasmi Amirouche purgeait à cette époque une peine de deux années de prison pour une autre affaire, au centre de détention de Ksar El Boukhari, à Médéa. Rencontré au tribunal de Bab El Oued, le frère de Gasmi Amirouche a affirmé que ce dernier avait été menacé dans sa cellule à Médéa. « Des policiers sont venus le voir plusieurs fois en prison pour faire pression sur lui et lui faire signer des aveux selon lesquels les deux kilos de kif lui appartenaient et qu’ils ont été confisqués par Bahouri. Il ne sait ni lire ni écrire. C’est un analphabète. Il ne savait même pas ce qu’il y avait dans les procès-verbaux. Il en a signé certains, puisqu’il me l’a dit. Il avait trèspeur. Ces policiers sont même venus chez nous pour nous menacer si jamais Amirouche ne disait pas que la drogue lui appartient », a-t-il déclaré aux journalistes présents à l’audience. A sa sortie de prison, fin novembre 2005, Gasmi Amirouche a été entendu trois fois par le juge d’instruction, avant d’être mis sous mandat de dépôt au mois de janvier 2006, sous l’inculpation de « commerce illicite de stupéfiant ». Les deux autres commissaires (laissés en liberté) ont été accusés pour Yassine Oussadit de « détention illégale de stupéfiant, faux et usage de faux » et pour Benchaâlal, son adjoint, « trafic d’influence ». Pour sa part, étant donné qu’il occupait le poste de chef de sûreté de wilaya, Sebouh a été convoqué en tant que témoin, tout comme plus d’une dizaine de policiers. La majorité risque d’enfoncer les deux commissaires. Ces deux affaires sont révélatrices d’une gabegie qui a gangrené les services de sûreté de la wilaya d’Alger, dont trois responsables (le premier divisionnaire, le chef de la brigade criminelle et son adjoint) ont été révoqués pour leurs agissements contre les intérêts de l’institution. L’ancien chef de la sûreté de wilaya, relevé durant quelques jours par le DGSN, puis réinstallé sur décision de la présidence, avant d’être révoqué par la même institution quelques mois plus tard, était en poste à Relizane, en tant que divisionnaire lorsque son nom a été mêlé à des affaires de foncier, d’immobilier et de trafic d’or. L’ensemble des responsables locaux (wali, chef de secteur militaire, patron du DRS, commandant du groupement de la gendarmerie) ont tous été radiés sur décision du président, sauf lui qui a été muté à Sidi Bel Abbès, avant d’être parachuté à la tête de la sûreté de la wilaya d’Alger. Une nomination qui avait créé la surprise, tant le responsable était connu pour ses relations ambiguës avec certains milieux de la drogue et de la prostitution. Ce sont les services de la répression du banditisme (ONRB) qui sont alors chargés par le DGSN de mener une enquête sur ce responsable. Là aussi, beaucoup de choses ont été dites, notamment au sujet des largesses dont il aurait bénéficié auprès des plus hauts responsables de ce service, au point de bâcler les investigations et de ne présenter qu’un dossier vide au parquet de Blida. En réaction, le DGSN a suspendu le patron de l’ONRB et son adjoint, alors qu’une autre équipe a été désignée pour reprendre l’enquête dès le début. L’ancien divisionnaire est alors convoqué à plusieurs reprises par le parquet de Blida et l’affaire est toujours en instruction.



Par Salima Tlemçani

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