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Les médecins prônent la dépénalisation


Les médecins prônent la dépénalisation

Séminaire international sur la responsabilité pénale médicale

Les médecins prônent la dépénalisation

La responsabilité pénale médicale reste à ce jour incomprise et difficilement reconnue en dépit du nombre de plus en plus important des plaintes de victimes d’erreurs ou de fautes médicales. Réunis hier à la Cour suprême, magistrats et personnel du corps médical se sont mis d’accord sur la nécessité de réglementer la relation entre le patient et son médecin, et la responsabilité de ce dernier dans l’exercice de sa fonction.


C’est ce qui ressort des interventions des participants au Séminaire international sur la responsabilité pénale médicale, organisé hier par la Cour suprême, auquel ont pris part magistrats et médecins algériens, mais également leurs confrères venus de France, de Belgique, du Liban, du Maroc, du Soudan, de Tunisie et de Mauritanie. Ces derniers ont reconnu tous la difficulté d’établir l’erreur ou la faute grave dans l’exercice de la médecine. Une difficulté que le ministre de la Justice, Tayeb Belaïz, a d’ailleurs relevée lors de son allocution d’ouverture, en affirmant qu’en Algérie, « les magistrats des tribunaux et cours de justice se trompent souvent dans l’établissement de la faute médicale » parce qu’« elle n’a été définie » ni par le code pénal ni par la loi sur la santé. Le ministre a mis l’accent sur la nécessité de la détermination de la faute médicale, car, selon lui, « elle reste étroitement liée à la santé des personnes et au développement scientifique dans les domaines médical et technologique ».

Il a expliqué que le pouvoir d’appréciation conféré au juge par le code pénal permet la détermination des fautes involontaires pour lesquelles la même loi a prévu le recours à l’expert pour la confirmer et construire ainsi son jugement. Il a également parlé des difficultés en matière de responsabilité collective lorsqu’il s’agit d’erreur commise lors d’une opération chirurgicale pratiquée par une équipe de médecins. De ce fait, il a affirmé que le but de ce séminaire est d’arriver à déterminer ou à identifier les normes de l’expertise sur la base de laquelle est définie la responsabilité pénale du médecin et à établir une approche avec la jurisprudence judiciaire dans différents systèmes judiciaires dans le monde. Pour lui, il est important de bénéficier des expériences des pays arabes et européens en la matière.

La première communication, axée sur la notion de responsabilité pénale du médecin dans la législation algérienne, a été présentée par Mokhtar Sidhoum, conseiller à la chambre criminelle près la Cour suprême, suivie de celle de Moussa Arada, président du Conseil national d’éthique des sciences de la santé, doyen de la faculté de médecine d’Alger, sur la responsabilité pénale entre considération éthique et enseignement. Ce dernier a estimé que « la problématique doit être traitée dans toutes ses dimensions et d’éviter de la confiner au traitement de l’erreur ou de la faute médicale ». De nombreuses interrogations ont été soulevées lors des débats par un parterre de plus de deux cents professionnels. Elles étaient axées beaucoup plus sur la définition de l’erreur et de la faute médicales, mais également sur la personne habilitée à les prouver devant la justice.

A ce titre, de nombreux participants ont remis en cause la compétence des experts judiciaires auxquels recourent en général les juridictions judiciaires. Le doyen de la faculté de médecine d’Alger a reconnu qu’il y a une iniquité en matière de répartition des médecins spécialistes, les seuls en mesure d’expertiser un acte médical. Il a révélé qu’en dépit des 1250 spécialistes que l’Algérie forme chaque année, la demande reste très forte, notamment à l’intérieur du pays, appelant de ce fait à une répartition équitable des soins pour l’ensemble des citoyens. Pour sa part, Mohamed Bekkat Berkani, président du conseil de l’Ordre des médecins, a appelé à la dépénalisation de l’acte médical, et de ce fait l’erreur qui en découle, et la rendre passible du tribunal civil induisant un dédommagement matériel, en évitant ainsi de priver le médecin de sa liberté. Il a relevé que dans beaucoup de pays, la relation entre le malade et son médecin « est régie par un contrat civil qui implique une couverture par une police d’assurance, qui protège non seulement le médecin, mais également le patient. Un concept qui devrait être appliqué en Algérie ».

Docteur Belhadj, médecin légiste de l’hôpital Mustapha, a, quant à lui, évoqué le volet de l’expertise, qui repose, a-t-il dit, sur plusieurs éléments. Il a souligné les difficultés que rencontrent les experts judiciaires sur le terrain, notamment en matière de manque de formation médicale des avocats et des juges. De ce fait, il a appelé à l’instauration au principe du médiateur médical, un spécialiste en médecine qui maîtrise les lois et le fonctionnement de la justice. Selon le Dr Belhadj, la pratique a montré qu’en matière d’erreur ou de faute médicale, certaines spécialités sont plus touchées : la gynécologie, l’anesthésie-réanimation, la chirurgie esthétique, l’orthopédie et la chirurgie générale. La responsabilité sans faute liée aux infections contractées faute d’hygiène dans les établissements (maladies nocosomiales) vient en dernière position. Ce qui appelle à des experts, choisis parmi les spécialistes de ces disciplines et avec une expérience sur le terrain de plusieurs années.

Paul Mathieu, président de section de la cour de cassation belge, a relevé que dans son pays il existe deux voies de recours – civile et pénale – pour obtenir réparation. Néanmoins, il a mis l’accent sur la nécessité de « réglementer la relation médecin-patient et d’éviter les chasses aux sorcières qui, souvent, mettent les médecins dans des situations de vulnérabilité ». Les travaux se sont poursuivis très tard avec d’autres communications sur le même thème, ponctuées de débats fort intéressants.

Dr Bekkat. Président du Conseil de l’Ordre : « Il faut dépénaliser les actes médicaux »

« Il faut que les actes médicaux soient dépénalisés et que la responsabilité en matière d’exercice médical soit plutôt pécuniaire et non pénale. » C’est ce qu’a déclaré hier le docteur Bekkat, président du conseil de l’Ordre des médecins, en marge des travaux du Séminaire international sur la responsabilité médicale pénale. Interrogé sur la responsabilité des médecins étrangers qui viennent opérer en Algérie et repartent juste après, le Dr Bekkat, tout en soulignant l’importance du recours à des professionnels étrangers dans certains actes très pointus, quand ils viennent dans le cadre de la coopération entre Etats, a néanmoins précisé que lorsque ces médecins sont sollicités par certains privés, le risque qu’ils échappent à la responsabilité est omniprésent. Selon lui, une centaine de médecins ont été poursuivis par l’Ordre et 16 ont été mis en prison pour fautes graves, alors qu’un cabinet a été carrément fermé à Alger, précisant que depuis 2004, le nombre de poursuites a atteint les 600 cas sur le territoire national.

Kaddour Berradja. Président de la Cour suprême : « Le débat doit être ouvert vu le nombre important des affaires »

« Il faut que les actes médicaux soient dépénalisés et que la responsabilité en matière d’exercice médical soit plutôt pécuniaire et non pénale. » C’est ce qu’a déclaré hier le docteur Bekkat, président du conseil de l’Ordre des médecins, en marge des travaux du Séminaire international sur la responsabilité médicale pénale. Interrogé sur la responsabilité des médecins étrangers qui viennent opérer en Algérie et repartent juste après, le Dr Bekkat, tout en soulignant l’importance du recours à des professionnels étrangers dans certains actes très pointus, quand ils viennent dans le cadre de la coopération entre Etats, a néanmoins précisé que lorsque ces médecins sont sollicités par certains privés, le risque qu’ils échappent à la responsabilité est omniprésent. Selon lui, une centaine de médecins ont été poursuivis par l’Ordre et 16 ont été mis en prison pour fautes graves, alors qu’un cabinet a été carrément fermé à Alger, précisant que depuis 2004, le nombre de poursuites a atteint les 600 cas sur le territoire national.


Par Salima Tlemçani

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