Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

«En Algérie, la femme est un sous-citoyen»

image

Nadia Kaci est comédienne et co-auteur du livre Laissées pour mortes (éditions Max Milo), qui recueille le témoignage de Rahmouna Salah et Fatiha Maamoura, deux victimes du déchaînement de violence à Hassi Messaoud en 2001. Dans cette ville algérienne, les femmes sont régulièrement victimes de violences de la part d'hommes venus là, souvent seuls, pour travailler dans l'industrie pétrolière. Liberation.fr l'a rencontrée lundi 10 mai, à la manifestation de soutien aux femmes d'Hassi Messaoud, devant l'ambassade d'Algérie à Paris.

Pourquoi vous battez-vous? Quelle est l'attitude du gouvernement algérien face aux violences d'Hassi Messaoud?

A Hassi Messaoud, une des villes les plus surveillées d'Algérie, cinq cents hommes peuvent attaquer cent femmes, les violer, les torturer, voler leurs maigres biens, en toute impunité. Pour légitimer la barbarie, les femmes ont été accusées d'être des prostitués.

Le gouvernement refuse de défendre ces femmes. Les plaintes sont restées sans suite. Le ministère de l'action sociale et de la solidarité nationale est dans le déni, le gouvernement prétend que l'affaire d'Hassi Messaoud est un complot monté par la France pour déstabiliser l'Algérie, ce silence est effarant.

Les actes commis à Hassi Messaoud sont la conséquence directe du code de la famille de 1984, qui réduit la femme au statut de mineur. En Algérie, la femme est un sous-citoyen. On ne constate aucune volonté politique de régler le problème, et c'est ça le plus inquiétant.

Est-ce que les violences d'Hassi Messaoud sont un événement isolé ou symptomatique d'une violence récurrente en Algérie?

En Algérie, quand une femme se fait battre dans la rue, personne ne fait attention, les gens pense «ce doit être son mari, son père ou son frère».

Personne ne fait entendre raison aux hommes, puisque les femmes sont considérées comme des propriétés. Hassi Messaoud est un peu particulier dans la mesure où il y a beaucoup de mouvements de population, mais on peut observer dans tout le pays ces mouvements de violence orientés contre les femmes.

La voie médiatique est-elle le seul moyen de faire avancer les choses? Comment les médias algériens réagissent-ils?

La seule solution pour faire évoluer la condition des femmes d'Hassi Messaoud est la pression médiatique. Il ne faut surtout pas que cette pression se relâche, car les hommes attendent une accalmie pour recommencer leurs attaques.

En revanche, en Algérie, c'est le silence quasi total. Le seul article que j'ai lu sur les dernières agressions date d'aujourd'hui, dans Liberté.

Sur place, la presse est censurée, les journalistes étrangers ont du mal à obtenir des visas pour constater les violences faites aux femmes, c'est le black-out complet.

Depuis la parution de votre livre (février 2010), avez-vous constaté des changements en Algérie?

Non, après la parution du livre (Laissées pour mortes), j'ai reçu des appels de femmes d'Hassi Messaoud, qui me disaient qu'elles se faisaient encore agresser. Les travailleuses reçoivent des coups de fils, des menaces, on leur demande de se taire, de ne pas raconter ce qui leur est arrivé. Elles vivent dans la peur en permanence.

D'après mes sources, Hassi Messaoud est toujours un espace de non-droit. J'ai entendu parler d'une femme brûlée vive, mais je n'ai aucun moyen d'obtenir des précisions. Là où j'observe du changement, c'est que le monde est plus à l'écoute de ce qui se passe à Hassi Messaoud, il faut que la pression continue, et se renforce.

Source : Libération

Les commentaires sont fermés.