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TEMOIGNAGE

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« Je savais que pour avoir le visa il fallait d’abord accéder au Consulat.
[...] Mais je n’imaginais pas que cela était en soi une épreuve de taille, si difficile que je n’ai jamais pu la franchir après deux semaines de siège. »

Pourquoi sommes-nous si stressés dès le moment où il nous faut entreprendre une démarche en vue d’un déplacement en France ? Pourquoi sommes–nous plus stressés que quand il s’agit de se rendre en Turquie, aux Etats-Unis, voire en Chine ? Peut-être par ce que nous en demandons trop à la France et peut-être aussi parce que elle nous en promet trop.

Je suis francophone, francophile, «  francolâtre » même comme le sont trop souvent les Sénégalais de ma génération, plus royalistes que le roi dans la défense de la qualité du français parlé et écrit. J’ai longtemps enseigné l’histoire, non seulement en français mais de France. J’ai dirigé une institution intergouvernementale dont la vocation est la promotion et la consolidation de l’enseignement dans la langue de Molière dans les pays qui ont le français en partage. Je suis écrivain de langue française, publié par des maisons d’édition françaises qui ont pignon sur rue et dont l’une, fréquentée autrefois par Senghor, Césaire ou Michel Leiris, a vu récemment sa directrice décorée de la Légion d’ Honneur par le président Sarkozy lui-même pour services rendus à la culture française. A l’occasion de la sortie de mon dernier livre, paru dans cette même maison, j’ai reçu l’invitation d’une institution reconnue et subventionnée par les collectivités et l’Etat français et qui est depuis plus de dix ans le symbole même de cette « coopération des peuples et des terroirs et non des banques » qu’affectionne, nous dit-on, l’Ambassadeur de France à Dakar. Africajarc est en effet un festival porté par tout un village (230 bénévoles sur une population de 600 âmes !), une manifestation fondée sur le «  respect des différences et l’estime réciproque ». Je ne suis solliciteur ni d’emploi ni de subsides et me suis même engagé, à titre de contribution et pour le plaisir de l’échange, à prendre en charge les frais liés à mon déplacement...

La France a proclamé qu’elle allait faciliter la circulation des artistes, des intellectuels, des écrivains, des chercheurs... Sur la base de ces arguments, tenant compte des motivations qui sous-tendent mon projet, et malgré les déboires rencontrés dans le passé, j’ai pensé qu’une demande de visa ne devrait plus être pour moi qu’une formalité et que, d’une certaine manière, non seulement j’avais droit à la France, mais qu’il existait des Français qui avaient des droits sur moi et notamment celui de me convoquer au partage et au dialogue.

Je savais que pour avoir le visa il fallait, d’abord, accéder au Consulat, présenter en quelque sorte le corps du délit, mais je n’imaginais pas que cela était en soi une épreuve de taille, si difficile que je n’ai jamais pu la franchir après deux semaines de siège.

Le consulat et ses « coxeurs »

La méthode est connue et repose sur la délocalisation des tâches subalternes. Vous achetez donc - à la banque - un code téléphonique (c’est votre premier investissement sans garantie de succès), déclinez votre identité, exposez les motifs de votre demande et les contraintes de votre déplacement. Une voix neutre et standardisée vous fixe un rendez-vous : c’est un mois et demi... APRES la tenue de la rencontre à laquelle vous étiez convié ! Vous marquez votre étonnement ? « Oui, je vous ai bien compris mais je n’ai que ça pour le moment. Appelez de temps en temps, achetez une 2e, voire une 3e carte. Je prends note, mais nous ne sommes pas le Consulat ! ». C’est bien vrai, ils n’en sont que les « coxeurs » : vous n’avez jamais le même interlocuteur et une fois sur deux, on vous assure que tous les opérateurs étant occupés, il vous faudra rappeler. Et puis quelle idée de voyager à cette période : «  c’est l’été, monsieur, le consulat et toute la France sont en vacances et vous êtes trop nombreux à vouloir partir ! ». Français qui nous invitez, faites-le en hiver, quand il gèle et qu’il neige et non en été quand votre pays est en fête !

Cela m’a coûté prés de ... 200 000 Francs CFA* de ne PAS AVOIR EU le visa ! « Mais monsieur, on ne vous a pas refusé de visa, le consulat n’a même pas pris connaissance de votre dossier ! ». C’est bien le piège des mots, puisque le résultat est le même.

 

Préface par Fadel Dia

Inaccessible France ou l’art de refuser un visa par service interposé... _ « Droit à la France ? »

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