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"Algérie, bienvenue au pays de la mafia politico-financière" : Les vérités amères du "Petit fûté"

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Quand, en 2004, il lança le premier guide touristique sur l’Algérie, Le Petit Futé, maison d’édition spécialisée dans le tourisme, expliquait que l'ouvrage était " destiné à tous ceux qui sont curieux de connaître les richesses que recèle l’Algérie", qu'il réhabilite la destination et peut suggérer l’idée d’un futur voyage (lire l'interview de Jean-Paul Labourdette, directeur des collections)
Pour l'année 2010, si on en croit un article de notre confrère El-Watan, Le Petit futé semble gagné par l'envie de dissuader ceux qui seraient tentés par l'idée d'un "futur voyage" dans notre pays, d'aller au bout de leur rêve.
Parmi les "les richesses que recèle l’Algérie", Le Petit Futé cite, en effet "le machisme", les moeurs légères, les faux barrages, les femmes battues,  la frustration, la jalousie, la perversion sexuelle, l'hypocrisie, les coupures d'eau, le manque d'hygiène, le sida...
Le guide est sans nuances envers les candidats voyageurs : " N'espérez pas y trouver le confort qu'on s'est habitués à découvrir au Maroc voisin" . En Algérie, lit-on, on couche dans des  " hôtels agonisants", "sordides", au service "aléatoire",  où "le personnel a pris de l'âge en même temps que les piscines se vidaient, que les jardins s'asséchaient, que la plomberie s'engorgeait de détritus divers ou que la moquette aux spirales psychédéliques pourrissait" Pour ceux qui n'auraient pas tout saisi, le guide se fait explicite : " Aucun hôtel algérien ne peut être qualifié de cadre enchanteur, le service laisse presque toujours à désirer, la plomberie et l'électricité peuvent inquiéter les plus anxieux et la propreté les plus maniaques…"
Et remerciez la providence si vous parvenez à prendre votre douche : «Principale particularité qui peut être un problème : la pénurie de l'eau ! Dans les toilettes des lieux publics ou même chez les particuliers, l'eau est stockée dans un récipient qu'on déverse dans la cuvette (sans exagérer sur la quantité) en guise de chasse d'eau. Dans la plupart des cas, comme il n'y a pas du tout- à-l'égout, on ne jette rien dans la cuvette. Une poubelle est presque toujours mise à disposition. Il s'agit juste de s'y habituer ! Autre particularité : il n'y a presque jamais de papier toilette». 
Le Petit futé Algérie suggère de ne rien boire du tout. «Dans les grandes villes, l'eau du robinet peut se boire à condition de tolérer les goûts la caractérisant», peut-on lire à la page 143 à propos de l'eau du robinet en Algérie. «Dans les sources des villages et des oasis, l'eau est meilleure au goût, mais peut être à l'origine de troubles intestinaux…», lit-on à propos de l'eau des sources, comme quoi, cette eau est aussi à éviter. Enfin, la suspicion touche aussi l'eau embouteillée. «On trouve partout des bouteilles d'eau minérale, pas toujours scellées, souvent de marque…», lit- on encore.
Autrement dit, en Algérie, il est déconseillé de boire de l'eau.
Mais alors boire quoi ? A propos des bars et cafés, on peut lire à la page 145 que «s'il est devenu facile de trouver des bars où l'on serre de l'alcool à Alger, il en va autrement dans d'autres villes et a fortiori à l'intérieur du pays. Les bars sont certes des lieux de convivialité mais aussi et surtout des lieux où les clients viennent pour s'enivrer ou pour oublier (alors que bien souvent les Algériens ont le vin triste) et il n'est pas rare d'y croiser des femmes.»
Si la perspective de mourir de soif ne vous dissuade pas, le Petit futé vous signale celle de mourir du sida " mais aussi l'herpes, de chlamydiae et autres joyeusetés "  L'Algérie est, en effet,  présenté comme un vaste bordel.  "A Alger ou à Oran, lit-on en page 106, de Club des Pins aux cabarets les plus miteux en passant par les restaurants, les bars d'hôtel et bien sûr internet et les sites de rencontre, des dizaines de filles cherchent une vie meilleure malgré les tabous, malgré le hidjab facilitant paradoxalement les choses, qui pour un cadeau, qui pour un dîner sortant de l'ordinaire, qu'on appartienne à la classe moyenne (s'il en reste une !) ou qu'on soit plus défavorisé… la prostitution est plus visible qu'on aurait pu l'imaginer dans la rue, dans les hôtels, très fréquentés l'après-midi, les bars de ces mêmes hôtels, les lieux de sortie nocturne" Mais le guide est formel : "Le sida n'épargne pas l'Algérie"
Ces messieurs les touristes sont donc avertis.
Les femmes aussi d'ailleurs : il est risqué de voyager seule dans ce beau pays. L'Algérie est en effet peuplée de " crétins frustrés" où il "reste difficile, voire impossible, de faire certaines choses comme de s'asseoir seule à une terrasse de café même dans les grandes villes". Elles s'exposeraient aux " ragots et les médisances qui naissent et prospèrent très rapidement dans le terreau de la frustration et de la jalousie." Mais elle s'exposent aussi aux machos : " Il est toujours normal pour un homme algérien de lever la main sur sa femme, sa petite amie, sa fille…" Et gare aux illusions : "«…Même si vous apercevez en ville des jeunes femmes habillées légèrement, ne sachant pas qui elles sont, où elles vivent ou comment elles sont jugées, évitez de faire comme elles en portant des tenues jugées provocantes», lit-on encore.
Et gare aux jeunes racoleurs qui ne rêvent que de vous épouser pour une carte de séjour ! " Dans le sud, les gens se sont habitués à voir des bras et des jambes nus, mais ils n'en pensent pas moins ! Garder à l'esprit que vous représentez le pays vers lequel on rêve très fort de s'envoler pour un meilleur avenir… Sachez donc rester circonspecte devant toute tentative de séduction un peu incongrue», lit-on à la même page…
Le guide s'attarde sur la condition féminine.
«Le nouveau code de la famille présenté par Bouteflika en mars 2005 est loin d'être satisfaisant. L'idéologie islamiste a complètement assombri le regard des hommes sur les femmes. On voit, mais on ne connaît pas la femme. On ignore ou on en veut à celle qui par sa seule existence vous attirera dans les filets du mal. Comme ailleurs, et peut-être plus qu'ailleurs, les femmes sont souvent rabaissées, voire battues… Il est toujours normal pour un homme algérien de lever la main sur sa femme, sa petite amie, sa fille…», lit-ont toujours dans la page 105.
«Si les hommes algériens peuvent reconnaître haut et fort que les femmes sont leurs égales, sinon supérieures, reprenant le mythe de la bonne mère, dévouée et courageuse sans qui le pays n'existerait plus, bla, bla, bla, dans la réalité, il ne reste pas grand-chose de ce beau discours qui nous surprendrait presque…»

" Le pays de la mafia politico-financière "

Si en dépit de tout cela, vous tenez à séjourner dans cette contrée bizarre, sachez que  l'Algérie, "destination touristique à réhabiliter", c'est  " le pays de la mafia politico-financière", des milices des forces spéciales,  et des atteintes aux libertés. «A la lecture des titres parfois audacieux de certains journaux de la presse algérienne, on pourrait penser que la presse est libre en Algérie. Ce n'est plus le cas depuis 2004, année de la pénalisation des délits de presse. Et cette audace est chèrement payée souvent par la prison avec sursis et des amendes très sévères et quelquefois par la prison ferme… En revanche, des pressions de toutes natures sont constamment exercées sur les journalistes de la part des responsables politiques, de la mafia politico-financière, de notables et d'hommes d'affaires locaux mettant en péril leur métier et dans certains cas leur vie», lit-on à la page 473.
«Les journaux, leurs directeurs et leurs journalistes sont régulièrement assignés en justice pour répondre de plaintes pour diffamation et le plus acharné semble être le ministère de la Défense qui s'estime diffamé par la moindre allusion dans les caricatures et les articles publiés», lit-on encore à la même page.
Le Petit futé signale que "la consommation d'anti dépresseurs, d'anxiolytiques et autres tranquillisants est également importante et dans certaines villes, le nombre de panneaux annonçant un psy peut surprendre."
El-Watan rappelle que ce bel ouvrage dythirambique envers l'Algérie est financé par de grands annonceurs publics que sont Air Algérie, l'ONAT, Moblis et l'hôtel Aurassi, pour ne citer que ces derniers, et qui, fait remarquer le journal,  "ont, sans le savoir, subventionné une grave atteinte à l'image de la destination Algérie et à celle de tout le pays."
Faut-il pour autant parler, comme l'écrit l'auteur de l'article d'El-Watan, "d'un des plus néfastes traités commis contre l'Algérie ces 10 dernières années" ? Sans doute pas. Le guide dérape par moments, abuse de clichés mais révèle des vérités incontestables. Pas bonnes à dire, certes. Mais pour qui ?

L.M.

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