Les laiteries privées crient au scandale et la Fédération des producteurs de lait accuse l’Onil de discrimination. 1 500 tonnes de poudre de lait ont été distribuées ce lundi aux producteurs étatiques (Giplait) et à deux laiteries privées. Les autres producteurs privés qui attendent leur quota, pourtant payé à l’avance depuis le début du mois d’octobre, demeurent toujours en rupture de stock.
Mehdi Mehenni - Alger (Le Soir) -Bien que ce stock de poudre de lait récemment importé couvre seulement une semaine de production des laiteries étatiques (Giplait) et deux jours de production pour les deux producteurs privés qui ont pu, à la différence des autres, bénéficier d’un petit stock, il est vraiment aberrant, aux yeux de Abdelwahab Ziani, d’agir de la sorte dans une conjoncture de crise. En effet, le président de la section agroalimentaire de la Confédération des industriels et des producteurs algériens (CIPA) pense qu’il est discriminatoire d’approvisionner les laiteries publiques et certains producteurs privés en poudre de lait, et laisser «à sec» les autres laiteries privées qui attendent la livraison de leur quota, payé à l’avance depuis le début du mois d’octobre dernier. «Nous déplorons cette manière de faire.» Depuis que l’Onil gère les quotas de poudre de lait, la filière s’est complètement clochardisée », a-t-il souligné, non sans soutenir qu’il aurait été plus sage d’importer 15 000 tonnes de poudre de lait au lieu des 1 500 tonnes en question, approvisionner l’ensemble des producteurs sans exception et selon les besoins de chacun, afin de permettre une production régulière jusqu’à la fin de l’année. Cela, insiste-t-il, aurait d’une part diminué la tension chez les producteurs, et d’autre part, mis fin à la pénurie dont souffrent les consommateurs.
Etouffer la pénurie le temps d’un Aïd et d’un week-end prolongé
Selon des indiscrétions, l’approvisionnement des laiteries publiques et seulement des deux plus grands producteurs privés connus sur le marché répond à un souci d’étouffer la crise le temps d’un Aïd et un week-end prolongé, surtout au niveau du centre du pays où une pénurie ne peut pas passer inaperçue. Il semblerait même que l’Onil n’ait pas été seule dans la prise de cette décision. Cette mesure, affirment des sources proches, vient «d’en haut». S’agissant de la décision de l’Etat de réduire la facture d’importation de la poudre de lait, qui est à l’origine de cette crise, comme le soutiennent certains producteurs, Abdelwahab Ziani semble avoir une tout autre opinion que le président du Comité interprofessionnel de la filière lait, Mahmoud Benchkour. Pour rappel, ce dernier avait récemment soutenu qu’il ne s’agit point d’une pénurie de lait et d’un manque d’approvisionnement en poudre, mais plutôt d’un dysfonctionnement dans la distribution et dans la production, accusant certains producteurs de détourner les quantités de poudre de lait de leur usage initial pour la fabrication de fromages, yaourts et autres dérivés. Sur ce chapitre, Abdelwahab Ziani pense que certains acteurs principaux du secteur, à l’exemple de l’Onil, soutiennent ce genre de propos, pour la simple et bonne raison qu’ils sont loin de la réalité du terrain. «Habituellement, nous importons 140 000 à 150 000 tonnes de poudre de lait. Pour cette année, nous nous sommes entendus sur l’importation de 130 000 tonnes par souci de réduire la facture d’importation et d’encourager la production de lait cru local. Mais il se trouve que devant la baisse drastique du pouvoir d’achat, les consommateurs se sont rabattus sur le lait en sachet pour combler le non-accès à certains produits élémentaires. Ce qui a déclenché, un peu avant le mois de Ramadan, une surconsommation que les producteurs n’arrivent pas à combler avec le stock de poudre disponible. Apparemment, toutes ces données semblent échapper à l’Onil», a-t-il précisé. Le président de la Fédération agroalimentaire rappelle que la Confédération des industriels et des producteurs algériens (CIPA) a été la première à attirer l’attention des pouvoirs publics, il y a quelques années, sur la nécessité d’encourager la production nationale du lait cru, mais réduire l’importation de la poudre de lait sans mettre en place en contrepartie les outils nécessaires pour booster la production locale de lait cru peut s’avérer comme une mesure périlleuse. «Pour encourager la production de lait cru en Algérie, il faut opter pour des subventions directes aux fellahs et aux collecteurs, multiplier le nombre de vaches et les points de collecte… c’est une batterie de mesures à prendre logiquement avant de passer à autre chose», a-t-il enfin ajouté.
M. M.